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plaisir et la peine ne sont que les aspects subjectifs de ces dernières. Mais comme toute sensation est la conscience de quelque énergie de l’organisme, il dit autre part qu’il y a autant de plaisirs que d’énergies, d’activités[1], ou, comme nous le dirions, de fonctions de l’organisme qui se font avec la participation de la conscience. C’est l’application de cette idée, presque aussi vieille que la science, qui manquait jusqu’à nos jours et c’est elle-même que nous avons essayé de faire dans la première partie de notre travail. Nous croyons avoir trouvé quelques principes de cette embryologie des sentiments qui est la condition nécessaire de leur classification définitive.

Voyons ce que nous pourrons obtenir en profitant de la classification des émotions simples que nous avons faite et des lois de révolution des faits de la conscience que nous connaissons depuis l’époque de Spinoza. Comme il y a, d’après Spinoza, plus d’émotions complexes qu’il n’y a de termes dans aucune langue humaine pour indiquer les différents états de la sensibilité, il est clair que ce n’est pas une synthèse complète et achevée de tous ces sentiments que nous pouvons avoir en vue dans ce petit article. Et puisqu’il y a encore beaucoup trop d’émotions complexes déterminées par des noms que ne peut embrasser une analyse de quelques pages seulement, nous nous croyons obligés. de nous contenter pour à présent d’un problème beaucoup plus modeste, à savoir d’esquisser les principes et donner des exemples d’une synthèse des sentiments, comme nous l’entendons.

Nous commencerons par indiquer les voies générales que l’évolution des sentiments peut prendre. Les deux voies de toute évolution des phénomènes qui appartiennent à la vie organique sont l’intégration et la différenciation. La première s’exécute à l’aide de l’association, la seconde par le moyen de la dissociation. Comme celle-ci ne peut avoir lieu qu’à la suite de celle-là, de même toute différenciation suppose une intégration préalable, et nous aurons raison de considérer auparavant les lois de l’intégration des faits affectifs.

La question des éléments qui peuvent prendre part à la composition des sentiments est celle qui doit être posée la première. Car s’il est évident que les plaisirs et les peines peuvent s’associer les uns aux autres, il est certain cependant que les émotions agréables et désagréables ne sont pas les seuls éléments qui participent à la formation des états complexes de la sensibilité.

À côté des plaisirs et des peines, nous avons trois autres groupes

  1. Loc. cit., K. 5, 1175, b. Καθ’ ἐϰάστην γὰρ ἐνέργειαν οἰϰεῖα ἡδονή ἐστιν..