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grote. — classification nouvelle des sentiments

I. Sentiments qui accompagnent l’assimilation de la matière inorganique et qui ont pour but de servir à la conservation personnelle[1]. (Sentiments de conservation.)

II. Sentiments qui accompagnent l’assimilation de la matière organique et qui ont pour but de nous seconder dans notre lutte pour l’existence[2] (Ém. d’irascibilité.)

III. Sentiments qui accompagnent le contact organique et qui sont nécessaires à la conservation de l’espèce, à la sociabilité. (Ém. de tendresse.)

IV. Sentiments esthétiques (nous prenons le mot αἰσθήσις dans le sens primitif), qui favorisent l’intelligence des faits objectifs. (Sent. esthétiques.)

V. Sentiments qui accompagnent l’activité, et qui favorisent la domination de l’organisme dans le milieu objectif. (Ém. d’activité.)

VI. Sentiments intellectuels qui ont pour but de régler l’activité des centres nerveux, qui régissent à leur tour toutes les fonctions vitales précédentes, en sauvegardant leur harmonie et leur accord. (Ém. intellectuelles.)

Malheureusement nous n’avons pu trouver, quant à présent, des termes techniques remplaçant les dénominations hétérogènes que nous combattons, et résumant le sens de ces longues paraphrases, et nous nous voyons obligés de garder ces dernières pour indiquer les groupes génériques dans la classification qui va suivre. Pour faciliter l’aperçu que nous allons donner, nous exprimerons les moments de plaisir et de peine par les signes suivants : + Pl. indiquera les plaisirs positifs, — Pl., les plaisirs négatifs, + Pn., les peines positives, — Pn. les peines négatives. N’ayant en vue que de prouver la possibilité d’un système naturel de sentiments et n’aspirant pas à une classification complète et absolument correcte, nous nous bornerons à donner autant d’exemples pour chaque moment distinct des différents groupes que nous les croirons nécessaires pour commenter notre théorie :

I. « Les sentiments de conservation personnelle, dont le but primitif était de régler l’assimilation de la matière inorganique », présentent les moments suivants :

— Pn. La peur, sentiment du danger.

+ Pl. La confiance, l’espérance.

  1. L’irascibilité, comme nous avons vu plus haut, a aussi un rapport à la conservation personnelle ; mais la peur, qui a un but défensif, peut être mieux exprimée par ce terme que l’irascibilité, qui a un but offensif.
  2. Nous avons employé le mot « seconder, » parce que, sans le concours de l’irascibilité, les animaux n’auraient pas eu le courage de s’entre-tuer et toute lutte pour l’existence aurait été impossible.