Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VI.djvu/247

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
237
grote. — classification nouvelle des sentiments

nombre de sentiments, qui se distinguent par leurs caractères spécifiques. Nous n’apprenons rien, par exemple, sur la nature des « tender emotions, irascible emotions, emotions of self, » etc., que nous trouvons dans le livre de Bain. L’auteur de la Théorie scientifique ne se proposait évidemment que de confirmer ses idées par quelques exemples isolés, remettant l’exposition d’un système complet à un temps plus propice.

C’est le moyen d’arriver à un pareil système, en restant fidèle au point de départ principal, que nous voulons discuter dans les pages qui suivent. Nous serions très-reconnaissants à toute critique qui corrigerait les fautes que nous pourrions commettre et qui sont inévitables dans toute nouvelle tentative scientifique. Nous espérons seulement qu’aucune critique ne pourra renverser les points essentiels de notre hypothèse, qui paraît ouvrir une perspective assez favorable aux succès d’une science future des sentiments.

Notre point de départ est la thèse suivante, qui ne peut être mise en doute dans l’état présent de la psychologie analytique.

Tous les sentiments constituent la réponse subjective de l’organisme conscient à ce qu’on pourrait appeler les « questions, » qui lui sont posées par le milieu objectif de notre activité et qui sont transmises par les sensations, autrement dit, les impressions conscientes d’un caractère « objectif » (nous entendons par là la connaissance des processus objectifs de l’organisme, aussi bien extérieurs qu’intérieurs)[1].

Cette thèse en implique une autre, à savoir, que tous les sentiments sont précédés de près ou de loin par des sensations[2], car ils ne sont après tout que l’estimation subjective de ces dernières. Ceci nous mène naturellement à la supposition que les caractères différents de nos impressions objectives pourraient expliquer peut-être les différents modes de nos plaisirs et de nos peines, aussi bien positives que négatives. Une pareille supposition est confirmée par le fait que la distinction si généralement admise, entre les sentiments nobles et vulgaires, a précisément pour base la différence des organes, mis en jeu dans les deux cas, et dont l’activité se traduit par une série d’impressions objectives correspondantes. Il serait curieux d’étudier s’il n’y a pas un lien intime entre une différencia-

  1. Horwicz accepte la même différence entre l’impressionnabilité objective et subjective de l’organisme. Pour lui le mot objectif veut dire « Wissen der Dinge vermittelnd » ; subjectif signifie : « Gefühle des Angenehmen oder Unangenehmen erweckend. » (Psychologische Analysen, Halle, 1872, t. I, p. 343 ; comp. ib., p. 332).
  2. Le même Horwicz tâche de trouver un élément objectif dans les impressions les plus subjectives, les « Gemeingefühle. » (Loc. cit., p. 338 et 339).