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grote. — classification nouvelle des sentiments


I


M. L. Dumont croit pouvoir diviser tous les sentiments, comme nous l’avons remarqué déjà, en quatre classes principales fondées sur les rapports divers qui existent entre les forces de l’organisme et le degré d’activité qui lui est fourni : il distingue les peines positives et négatives, les plaisirs positifs et négatifs. Ce point de vue est nouveau. M. A. Bain, un des derniers auteurs qui aient traité le même sujet, se contente de dire que « malgré les exceptions apparentes, le grand principe bien établi est que les plaisirs sont liés à une augmentation d’énergie vitale, que les peines dépendent du fait opposé[1]. » Les autres distinctions qu’il propose, d’après le degré d’intensité, la durée et le volume, enfin d’après la simplicité relative des sentiments, ne touchent en rien à sa distinction fondamentale entre le plaisir et la peine. M. Herbert Spencer, dans le premier volume de ses Principes de psychologie, distingue déjà, comme nous le dit M. Dumont lui-même, les douleurs positives des douleurs négatives[2]. L’auteur de la Théorie fait un pas plus loin, en acceptant la même division des plaisirs. Mais ce n’est pas là son seul mérite. M. Bain ne cherche pas à approprier la distinction qu’il a faite, entre le plaisir et la peine, à la classification spéciale des sentiments, qu’il propose dans son œuvre. Il se met ici à un tout autre point de vue, en classant les émotions d’après leur degré de simplicité, ce qui fait que nous ne trouvons aucun lien entre sa première définition et les caractères des douze groupes, dont il nous donne ensuite l’analyse[3]. Aussi M. Dumont a raison de dire que sa division « offre moins les caractères d’une classification que ceux d’une énumération arbitraire et accidentelle (p. 121). » Les autres auteurs de la même école expérimentale, dont M. Bain est un des représentants, ne font rien en ce sens non plus. M. L. Dumont tâche, au contraire, dans sa classification ultérieure, d’utiliser le principe qu’il a pris pour point de départ.

Comme ce n’est pas une critique, dans le vrai sens du mot, que nous voulons essayer, nous n’entrerons pas dans une analyse détaillée

  1. The emotions and the will, 3e éd., p. 11.
  2. Voy. Dumont, loc. cit., p. 123.
  3. II dit même expressément, loc. cit., p. 76, que la distinction des plaisirs et des peines ne peut servir aucunement comme ligne de démarcation dans une classification plus spéciale, parce que « both pleasures and pains are contained in every one of the classes to be described, « tandis que c’est justement la raison de ce « contained » qui doit être trouvée pour servir de base à une classification naturelle des sentiments.