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wundt. — sur la théorie des signes locaux

formée d’abord. On voit en effet que, partout où n’entrent pas en jeu de pareilles perceptions contradictoires, les illusions qui proviennent des lois du mouvement ne disparaissent jamais.

Pour citer un exemple aussi simple que possible d’une illusion qui disparaît par l’immobilisation, prenons l’illusion bien connue qui s’applique au rapport d’un angle divisé avec un angle qui n’est point divisée[1]. Plus on remue l’œil en essayant de saisir l’image, plus, sur deux angles droits obtenus en élevant une perpendiculaire sur une horizontale, l’angle divisé par des lignes paraît plus grand qu’un droit, en sorte que les deux moitiés de l’horizontale paraissent surbaissées par le milieu et semblent former l’une avec l’autre du côté de la figure opposé à la perpendiculaire un angle plus petit que deux droits. Mais si l’on fixe un point quelconque du dessin, d’un œil parfaitement immobile, l’illusion disparaît. Nous ne connaissons qu’une explication du fait. C’est que les rapports de grandeur ou de mesure des parties isolées de la figure, rapports fixés dans les signes locaux par de précédentes perceptions, entrent en jeu. Pour que l’influence de l’aperception immédiate soit compensée par ces éléments reproductifs, il faut et il suffit que les sensations mêmes de mouvement soient devenues des éléments reproductifs, et c’est précisément ce qui arrive quand nous fixons très-attentivement l’objet.

Toutes les illusions qui ont leur raison d’être dans les lois de mouvement de l’œil ne disparaissent cependant point par l’immobilisation, et on voit régulièrement l’illusion subsister, quand les lois du mouvement ont dû amener un ordre stable des signes locaux. Nous pouvons donc distinguer, sous le nom d'illusions inconstantes, les illusions dont nous parlions ci-dessus, de ces illusions fixes. Pour peu que celles-ci se produisent, il faut toujours que les éléments reproductifs de la perception ne puissent pas être en contradiction avec les conditions immédiates de la perception. Il y aura, par exemple, illusion fixe si nous déterminons inexactement par la vision binoculaire la position d’une ligne verticale. Fixons l’œil gauche sur un point a : la perpendiculaire apparente menée par le point s’écartera de la verticale réelle de 1 à 3°. Dans toutes les perceptions de l’œil en mouvement, en vertu de la déviation de sa direction de mouvement par rapport à la verticale, les signes locaux a, b, c, d, situés sur une ligne de la rétine qui se. rapproche de la verticale, ont été rapportés à la direction verticale. Il n’y a donc aucune raison pour que, l’œil étant fixe, à la place de cette série se substitue la série a, b, c, d, des points qui répondent à la verticale réelle. Ici, à la suite

  1. Physiol. Psychol., p. 563.