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wundt. — sur la théorie des signes locaux

culière à cette circonstance. On peut en effet douter si les expériences faites sur le sujet ont une valeur dans le sens de notre hypothèse[1]. En tout cas, l’insignifiance relative de ces différences locales et le fait qu’on ne les peut constater que sous l’action de certaines impressions de couleur ne sauraient en soi et par soi empêcher qu’on n’en tire parti. Il faudrait évidemment mettre en ligne de compte un autre fait : c’est que ces colorations locales de la sensation acquièrent une valeur pour notre conscience, non pas immédiatement à titre de différences qualitatives de la sensation, mais seulement par l’entremise d’une plus ample condition reliée à ces différences. Or, cette plus ample condition est la localisation. Examinons une surface uniformément colorée. Tout le monde sait qu’elle nous paraît uniformément colorée dans toutes ses parties. Pour nous convaincre de la différente coloration qualitative des sensations, il faut que nous commencions par comparer soigneusement divers objets de même nature, à l’aide de la vue directe et de la vue indirecte.

Tout cela posé, l’hypothèse qui réclame la production de la notion extensive, l’action commune des sensations de mouvement et autres, est celle qui concorde le mieux avec l’expérience. Elle ne nous oblige pas, comme celle des énergies localisantes de mouvement, à recourir à des hypothèses auxiliaires dénuées de preuves. Enfin, et le fait est décisif, l’hypothèse des énergies se met d’emblée en contradiction avec l’expérience. Elle doit donc être abandonnée, dès qu’on ne juge plus de la valeur d’une hypothèse par des préjugés métaphysiques, mais par son aptitude à expliquer l’expérience.

Si c’était par les énergies de mouvement que s’établissent même pour l’œil au repos les relations du champ visuel, il ne surviendrait jamais de différences entre les perceptions que nous recevons par le regard en mouvement et celles que nous recevons par le regard immobilisé. Or on observe très-nettement ces différences à propos de certaines illusions normales dans les appréciations de l’œil. L’illusion dont Zöllner a donné la description, par exemple, diminue et finit par disparaître tout à fait quand on fixe résolument un point du dessin[2]. Il en est de même d’autres illusions sur des directions et des éloignements qui s’expliquent par les lois du mouvement de l’œil. Dans la vision binoculaire, les contours d’une image stéréoscopique qui s’étaient réunis pendant le mouvement de l’œil, se résolvent en images doubles par l’immobilisation du regard. C’est un des phénomènes à noter ici. Comme une tendance vers un mouvement ne

  1. Voir les récents et intéressants essais de Landolt et Charpentier. Comptes-rendus, t. 86, p. 495.
  2. Physiol. Psychol. p. 554.