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cultés sérieuses. Ce n’est pas au mouvement seul, c’est à une simple tendance à exécuter le mouvement qu’on prétend rattacher la notion de l’espace. Dans ce but, on en appelle au mécanisme réflexe qui solliciterait l’œil à replacer au milieu de la rétine une impression lumineuse agissant sur n’importe quel point des bords. Ce serait cette tendance au mouvement qui, en se transformant pour chaque point situé sur les bords en sensation extensive, irait agir sur le centre. Toute image étendue quelconque serait donc accompagnée d’un nombre incommensurable d’énergies de mouvement, dont la somme rendrait possible la reconstruction subjective de l’image. Or, il est certainement vraisemblable, selon les études physiologiques, qu’il y a dans les tubercules quadrijumeaux un organe réflexe par l’entremise duquel l’œil s’arrête sur les impressions lumineuses les plus intensives qui soient dans le champ visuel ; mais on va plus loin. On veut que l’œil ne cherche pas seulement à se diriger vers les points fortement lumineux pour lesquels seuls la preuve se peut faire. On veut qu’il cherche à s’arrêter même sur des points obscurs dans les parties latérales du champ visuel. On veut que ce ne soit pas seulement le mouvement même, mais encore la tendance à l’exécuter qui soit accompagnée d’une sensation extensive, et enfin qu’il puisse exister dans notre conscience un nombre prodigieux de ces tendances au mouvement, transformées en sensations extensives. Ce sont autant d’hypothèses sans preuve faite et sans preuve possible. De plus, le domaine entier des expériences psychologiques n’offre pas une seule analogie quelconque qui vienne étayer la prétendue manière dont on veut que les choses se passent. On échappe à toutes ces misères si l’on suppose que la fixation des notions acquises par le mouvement a lieu pour l’œil au repos par une coloration locale des sensations de la rétine. On y gagne : 1° de n’avoir plus que faire de ce douteux mécanisme réflexe et de son action encore plus douteuse, puisqu’on peut concevoir que l’association des sensations de mouvement avec les sentiments locaux soit sortie de n’importe quel mouvement par ce mouvement quelconque ; 2° d’avoir dans les cas physiologiques très-connus d’associations, des types sous lesquels on peut se représenter l’union des sentiments locaux avec les sensations de mouvement ; enfin 3° de n’avoir qu’à trouver une expression théorique pour l’expérience selon laquelle l’action commune du mouvement et des sensations engendre toujours des notions extensives, et cela sans se mettre sur les bras l’hypothèse qu’au mouvement en soi se joigne déjà une sensation extensive. On dira qu’il reste à démontrer par des preuves de fait les différences locales des sensations de la rétine. Je n’ai garde d’attacher ici une importance parti-