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wundt. — sur la théorie des signes locaux

réel, pourrait être accompagnée d’une sensation à laquelle notre conscience prêtera une valeur extensive. Nous arriverions ainsi en partant de l’observation et de l’expérience à la même hypothèse que Lotze fonde sur des considérations générales de psychologie et de métaphysique, lorsqu’il s’occupe de l’œil et qu’il découvre dans ces énergies de mouvement le système des signes locaux.

Mais, aussitôt que l’on considère cette hypothèse comme assujettie à ne faire valoir que les influences saisissables à l’observation, on se heurte à plusieurs difficultés. Quelques-unes sont surtout négatives ; elles consistent seulement en ce que la supposition admise et les hypothèses accessoires qu’on est forcé d’invoquer ne sont pas susceptibles d’être démontrées. Il y en a une autre sérieuse et positive qui provient de ce que la supposition admise est en contradiction directe avec certaines expériences.

En premier lieu, il est dangereux d’émettre une affirmation sur les propriétés que possèdent en soi et par soi les sensations de mouvement. L’observation semble enseigner que ces sensations sont de qualité uniforme et quant à leur intensité susceptibles d’une gradation très-complète. Voilà à peu près ce qu’on peut déduire de la comparaison des mouvements actifs et passifs. Si, par contre, les sensations de mouvement en soi et par soi possèdent la propriété extensive, c’est sur quoi l’expérience ne nous donnera jamais aucune solution. La comparaison des mouvements actifs et passifs n’est plus ici d’aucune ressource ; car, si elle permet d’éliminer dans une certaine mesure les sensations de mouvement, elle ne permet pas d’éliminer les sensations concomitantes du tact. Comme la notion extensive subsiste dans le cas des mouvements passifs, on pourrait tout au plus se laisser aller à nier que les sensations de mouvement concourent à former cette notion. Mais une pareille conclusion serait infirmée d’une part par les perturbations positives de l’estimation de l’espace que l’on constate dans le mouvement passif ; d’autre part, par la réflexion que, à la suite de la fréquente association de certaines sensations du tact et du mouvement, les premières seulement sont plus ou moins susceptibles d’éveiller des notions extensives. Ce que l’observation seule nous fait donc découvrir par déduction directe, c’est que la notion extensive procède de la combinaison du mouvement des organes des sens avec les sensations proprement dites, soit par exemple des mouvements de l’œil avec les sensations de la rétine. Le mouvement seul ne peut pas engendrer cette notion : c’est là une hypothèse hasardée dont rien ne prouvera jamais la justesse.

Encore devrait-on la laisser subsister, si nous n’étions pas forcés d’y joindre une hypothèse accessoire qui présente à l’esprit des diffi-