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que la sensation est un processus intérieur de notre conscience, et qu’à considérer autant que possible la sensation particulièrement, par exemple la sensation d’un son, elle prend l’aspect d’une transformation purement intensive de notre conscience, je jugeais d’emblée plus vraisemblable de rattacher la série intensive des sensations à certains groupes complexes de sensations, que d’admettre dès sensations isolées possédant déjà par exception en soi et pour soi la faculté extensive, soit immédiatement, soit par une action spontanée de lame. Si c’est là un point de vue spéculatif, c’est en tout cas celui qui sert de fondement à la conception empirique du développement de notre connaissance. Je crois par contre que l’hypothèse des signes locaux sous la forme que leur prête M. Lotze ne répond pas aux exigences de l’observation psychologique, surtout parce qu’elle me semble sortir bien moins de ces exigences que de certaines présuppositions métaphysiques. Quelques psychologues anglais, par exemple M. Alexandre Bain, s’en étaient tenus à des vues de ce genre. C’est évidemment parce qu’ils n’avaient pas encore sous les yeux certaines recherches physiologiques dont j’avais à rendre compte.

On me permettra peut-être d’autant plus volontiers de mettre ici en relief les points de vue essentiels sur lesquels se fonde le changement en question dans la théorie des signes locaux, que dans l’exposition détaillée de ma Psychologie physiologique j’ai dû sacrifier plus qu’il n’était souhaitable ces points de vue à la multiplicité des détails qu’il s’agissait d’étudier à fond. Pour plus de brièveté, je désignerai ici sous le nom d’hypothèse des simples signes locaux celle qu’a donnée d’abord M. Lotze, et sous le nom de signes locaux complexes celle qui m’appartient.

La question qui a conduit à poser la première de ces hypothèses est celle-ci : « Puis-je concevoir qu’une âme dont je suppose l’existence en moi puisse avoir directement et sans autre secours une perception extensive des images de la rétine ? ou bien ne le puis-je pas concevoir, et faut-il que je mette à la disposition de cette âme de plus amples moyens de transformer l’intensif en extensif ? » Comme on niait pour des raisons générales le premier terme de l’alternative, on inventa un système des signes locaux comme le moyen auxiliaire hypothétique qui devait aboutir à la transformation de la sensation intensive en un concept extensif. C’est se refuser expressément à résoudre le problème de la notion de l’espace. Si l’âme attribue aux signes locaux une signification extensive, c’est en vertu d’une faculté innée chez elle. Les signes locaux sont des processus nerveux spécifiquement différents pour les différents points d’une