Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VI.djvu/226

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
216
revue philosophique

notre nature, d’où l’on ne peut rien conclure sur la réalité des choses.

Jurgen Bona Mayer : L’Essence de l’imagination » Entre les philosophes comme les panthéistes de l’école de Schelling, comme le second Fichte, comme Hartmann, et tout récemment Frohschammer, pour qui l’imagination est la force créatrice dans la nature et dans l’homme, le principe suprême en qui réside l’unité de l’être, l’union de la matière et de l’esprit, et les empiristes ou encore les psychologues de l’école de Herbart, qui refusent de la regarder comme une faculté primitive et n’y voient qu’une faculté complexe et dérivée, un composé et un produit des forces élémentaires de l’âme, Jurgen Bona Meyer se prononce résolument en faveur des derniers mais sans établir son opinion par une argumentation bien approfondie.

Dilthey : Sur l’imagination des poètes (à propos des leçons de Hermann Grimm sur Gœthe), 2 volumes, Berlin, Hertz, 1877. Aucun génie n’offre à l’étude du psychologue une plus riche matière que celui de Gœthe. Dans nulle autre âme de poëte, les processus de l’imagination créatrice ne sont aussi faciles à étudier. La biographie que Hermann Grimm a tracée du grand écrivain est riche d’indications, de documents sous ce rapport. Elle est bien supérieure pour l’exactitude des faits et la vérité des jugements au travail de Lewes, dont les graves défauts n’ont pu faire illusion à la critique allemande. Ce qui caractérise l’imagination de Gœthe, c’est qu’elle n’a jamais travaillé que sur les données mêmes de l’expérience personnelle. Gœthe le redit sans cesse et sous toutes les formes. « Ce que je n’ai pas vécu…, je ne l’ai jamais traduit en vers ou en prose. Je n’ai fait de poésies d’amour que lorsque j’aimais, » Nul exemple ne montre d’une manière plus frappante combien l’imagination la plus incontestablement créatrice s’alimente aux sources de la réalité.

Avenarius : La Philosophie comme explication de l’univers, conformément au principe de la plus petite dépense des forces. Leipzig, 1876. Dans cette courte, mais pénétrante étude, Avenarius entreprend de montrer que l’esprit obéit comme la nature à la loi, qui veut que les plus grands effets soient obtenus avec la moindre dépense possible de force. Comprendre les choses, c’est pour la pensée ramener de plus en plus à l’unité la diversité infinie des impressions sensibles. Et l’analyse des fonctions multiples, des catégories vraies de l’entendement démontre que cette simplification constante de nos principes d’explication est la fin instinctivement poursuivie et de mieux en mieux réalisée par la pensée. La métaphysique de l’auteur se rapproche par bien des traits de celle de Spinoza et de Leibniz, et n’est autre que la conception monistique qui domine aujourd’hui tant d’esprits, l’indissoluble union au sein de l’être universel de la sensation et du mouvement, ou, comme on disait dans l’école cartésienne, de la pensée et de l’étendue.

Le Propriétaire-Gérant,
Germer Baillière.