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tualiste. Si le système nerveux est divisé en parties distinctes, si la substance nerveuse est passive, où donc est l’unité, où donc l’activité essentielle à la formation des sentiments et des idées ? Il s’en faut que Lamarck les cherche dans un principe immatériel. L’unité, cet aspect spiritualiste de la nature humaine, ce caractère essentiel de ce qu’il appelle lui-même « le moi indivisible », il se contente de lui donner pour support fragile la communication qui existe entre les différentes parties du système nerveux, la coordination des divers organes liés à un foyer unique ou à un centre de rapport, la correspondance et l’harmonie qui existent entre toutes les parties nerveuses. La sensation par exemple est le produit d’une action et d’une réaction générale du système sensitif, non le fait de telle ou telle partie du corps : « C’est notre être en entier qui sent. »

Quant à la force active, elle est constituée par le fluide nerveux. Circulant à travers les diverses parties du système, c’est lui qui est le véritable agent et qui, par la célérité de ses mouvements plus prompts que l’éclair, accomplit les merveilles de la sensation et de la pensée. La matière nerveuse par rapport à lui n’est qu’un substratum, comme un récipient par rapport à une force agissante. Ce fluide nerveux, Lamarck le reconnaît lui-même, il est impossible de prouver directement son existence : mais on doit croire qu’il existe, parce que « c’est le seul fil que nous offre la nature pour nous conduire à la connaissance de ses lois. » En d’autres termes, il n’est qu’une hypothèse, mais une hypothèse utile et commode. Pour se passer de l’âme, Lamarck est donc obligé de recourir à un être imaginaire, hypothétique, dont il est incapable de démontrer la réalité. Ce fluide se dissipe et se renouvelle sans cesse. Au fond, il n’est qu’une forme nouvelle du fluide électrique « qui a été modifié dans l’économie animale et qui s’y est en quelque sorte animalisé par son séjour dans le sang. » C’est du dehors en définitive que provient ce fluide extraordinaire. « Il pénètre sans cesse dans le sang, soit par la voie de la respiration, soit par toute autre voie, et s’y modifie graduellement « avant d’être sécrété par les organes nerveux. Ce que nous appelons l’âme n’est donc qu’une transformation des forces extérieures. La conception de Lamarck rappelle celle des philosophes grecs qui disaient que l’âme se fait avec des particules émanées du soleil. Mais surtout elle est déjà une application inconsciente de la théorie moderne de la conservation de la force. Ce qui étonne le plus, c’est le rôle merveilleux qu’elle accorde à un fluide dont on avoue qu’il ne peut être saisi. Le fluide nerveux, dit Lamarck, est inconnu dans sa nature, il échappe à tout examen direct, il est très-subtil : le serait-il au point de ne pas exister ? Il ne