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que puissance mystérieuse voulant ce groupement. — M. Lexis pense que la considération de la moyenne typique est appelée à rendre de grands services dans beaucoup de recherches anthropométriques et ethnologiques ; il se propose de l’appliquer ici à une question purement statistique, celle de l’ordre d’extinction d’une génération.

On a fait, comme on sait, de nombreux essais pour exprimer par des formules plus ou moins empiriques les prétendues lois de mortalité ; citons les noms de Lambert, Babbage, Moser, Gompertz, Edmonds, Makeham, Lazarus, etc. La théorie de M. Lexis éclaire d’une vive lumière cette obscure question.

On peut admettre que la constitution organique de l’homme, de même qu’elle détermine une taille normale du corps humain, règle également une durée normale de la vie ; il s’agissait de découvrir cette durée normale, si elle existe, et de montrer qu’elle est bien une moyenne typique ; c’est ce qu’a fait M. Lexis.

Il prend sur une ligne horizontale une série de points qui se succèdent comme les naissances pendant une période donnée ; en ces points, il élève des ordonnées perpendiculaires dont chacune sera la ligne de vie d’un individu ; ces lignes auront des longueurs respectivement proportionnelles à la durée de la vie des individus auxquels elles sont affectées et se termineront au moment de leur décès par un point de mort. On pourra supposer ensuite toutes ces lignes condensées en une seule, car l’époque de la naissance ne semble pas devoir exercer une influence sur la durée de la vie, et il sera facile d’étudier sur cette ligne principale le mode de groupement des points de mort. — Or, ces points présentent dès l’origine un maximum de densité ; celle-ci diminue rapidement et atteint un minimum entre la dixième et la quinzième année ; à partir de là, elle croît lentement pendant un certain temps, puis plus rapidement à partir de 55 à 60 ans, atteint un second maximum vers 70 ans[1], et décroît enfin assez rapidement. — S’il existe une durée typique de l’existence humaine, elle devra être représentée en grandeur par l’ordonnée du second maximum ; car, comme le montre l’auteur, il faut faire abstraction des décès survenus pendant la période de l’enfance et de ceux qui doivent être considérés comme prématurés. Le groupe des décès normaux s’étendrait, des deux côtés du maximum, pendant une période totale d’une trentaine d’années. — Ce groupe est d’ailleurs constitué conformément à la fonction F (u), comme le prouve la concordance généralement satisfaisante, quelquefois frappante, des nombres fournis par cette fonction avec ceux que l’auteur a extraits de différentes tables de mortalité. — Grâce à cette théorie de l’âge normal, nous avons pour nous renseigner sur l’évolution que subit la mortalité à travers les temps et dans les différents pays, des points de repère infiniment plus précieux que cette notion si vague de l’âge

  1. Ce fait que la machine humaine est organisée pour fonctionner pendant environ 70 ans n’est pas connu d’aujourd’hui, certes, puisque déjà nous le trouvons mentionné dans un des psaumes : Ps. XC. 8. 10.