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analyses. — lexis. Theorie der Massenerscheinungen.

nombre de phénomènes sociaux. S’agit-il de phénomènes génériques, de ceux dont nous savons prévoir avec une suffisante rigueur, et suivre dans leur développement à peu près complet, tous les processus individuels, cette constance ne nous étonne nullement ; mais où elle nous frappe au plus haut degré, c’est lorsqu’elle apparaît dans les phénomènes concrets, c’est lorsqu’elle affecte des nombres dépendant de faits tels que les naissances, les décès, les suicides, etc., dont la plus grande irrégularité semble être précisément le caractère distinctif.

De l’observation de pareils rapports à l’hypothèse de lois mécaniques régissant des faits humains comme ceux de la nature, il n’y eut qu’un pas pour quelques-uns. On sait la phrase tant répétée de Quételet sur le budget des bagnes et de l’échafaud, et le retentissement qu’eurent plus récemment encore les théories sociales de Buckle. — L’auteur s’élève contre ce déterminisme excessif, et l’on peut dire que, dans tout l’ouvrage, il en poursuit la réfutation.

Et d’abord, il s’attache à bien préciser l’idée que, dans l’état actuel de la science, nous devons nous faire d’une loi naturelle ; il montre ainsi, que si ces rapports numériques dont la statistique nous révèle la constance dans certains phénomènes sociaux, sont dus à l’intervention de véritables lois, tous les faits élémentaires des phénomènes considérés devront individuellement viser à produire cette constance, et, si quelques-uns d’entre eux menacent de l’altérer, il faudra que les autres tendent à faire naître une altération en sens contraire, capable de compenser la première, ce qui suppose qu’entre tous ces faits élémentaires il existe une sorte de solidarité, d’ailleurs visible ou cachée. C’est là un nouveau caractère que nous sommes ainsi conduits à rechercher dans les phénomènes sociaux. Il nous permettra, suivant qu’il se présente ou non, de les classer en phénomènes connexes et non connexes, classification dont l’importance va bientôt ressortir.

Cette connexité, on le voit, en effet, si elle devait se découvrir dans certains phénomènes concrets, serait pour eux l’indice de l’intervention d’une loi ; recherchons donc s’il existe des phénomènes sociaux ainsi constitués, et c’est au calcul des probabilités que nous allons demander le critérium pour les reconnaître.

II. Les phénomènes sociaux offrent cette particularité qu’étant des groupes de faits individuels, on a dans leur étude à s’occuper de grands nombres que l’on sait traiter par le calcul des probabilités. Mais dans quels cas et en quelle mesure est-il légitime d’étendre cette méthode de calcul au monde objectif extérieur ? à quelles conditions les conclusions auxquelles on se trouvera ainsi conduit seront-elles autre chose qu’un simple jeu des formules ? C’est là un point qu’il convient, avant tout, de bien mettre en lumière. Tandis, en effet, que le calcul des probabilités part de l’hypothèse de l’égale possibilité de tous les cas, on ne trouve jamais cette condition remplie de réalité. — C’est donc à peine, si l’emploi nous en parait justifié dans les jeux de