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Lexis : Zur Theorie der Massenerscheinungen in der menschlichen Gesellschaft. Contribution à la théorie des phénomènes sociaux. Fribourg (Bade), 94 p., 1877.

M. Lexis est connu pour différents travaux de statistique ; sa plus récente publication, qui fait l’objet de la présente analyse, renferme, outre une théorie nouvelle et fort plausible des phénomènes de mortalité, une série d’intéressantes recherches sur la proportion suivant laquelle les naissances se répartissent entre les deux sexes, — sujet que fauteur avait antérieurement déjà soumis à des études suivies, — et les conclusions auxquelles il fut conduit à ce moment se trouvent aujourd’hui pleinement confirmées. Une première partie plus générale sert d’introduction à ces recherches spéciales ; nous allons d’abord la passer en revue.

I. La statistique est loin d’intervenir au même titre dans l’étude de tous les phénomènes sociaux ; tout secondaire, s’il s’agit de phénomènes réductibles à un schéma typique, ou phénomènes génériques (generische Massenerscheinungen), son rôle grandit, quand ceux-ci deviennent concrets (concrete M.) ; c’est-à-dire quand les faits humains qui en constituent les éléments cessent de présenter, dans leur mode de production, cette uniformité qui permet de les comprendre dans une formule unique. La généralisation du fait individuel, en effet, n’apprendrait rien sur le phénomène total ; chacun de ces faits particuliers est une unité concrète ; leur sommation devient but principal ; la statistique se trouve donc ici sur son véritable terrain ; et, de plus, elle s’y établit en science indépendante, les données qu’elle fournit n’ayant plus besoin, pour acquérir une signification, d’être combinées à celles d’autres sciences, comme en économie politique ; elles portent leur lumière avec elles.

L’esquisse que l’auteur trace ici de la statistique considérée comme science autonome n’est pas sans intérêt : le point de vue auquel il se place est nouveau ; et il ne nous semble point discutable qu’il existe en effet toute une classe de phénomènes — et de ceux qui nous intéressent le plus, ceux de mortalité par exemple — sur lesquels la statistique est seule capable de fournir des notions précises, qui sans elle resteraient pour nous à l’état de présomptions vagues, sans aucune rigueur, et par conséquent sans aucune valeur scientifique ; au reste, une science qui exige, pour être cultivée avec fruit, des connaissances d’un ordre aussi élevé que la statistique moderne, ne pouvait emprunter longtemps à d’autres sciences, avec les données de ses problèmes, sa raison d’être : elle devait, comme elle le tente avec M. Lexis, rechercher un domaine qui lui appartînt en propre ; elle n’en restera pas moins, il est vrai, l’auxiliaire de l’économie politique, mais les mathématiques ne le sont-elles pas de la physique ?

Parmi les indications que nous devons à la statistique ainsi réduite à ses seules ressources, il faut citer en première ligne la constance de certains rapports numériques qu’elle nous fait découvrir dans un grand