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analyses. — fechner. Vorschule der Aesthetik.

anges, la sorcellerie, l’origine du monde due à un principe destructeur, etc. Esprit religieux, il a écrit, en 1846, sur le souverain bien, et, en 1863, sur les trois motifs de croire. Enfin, il n’y a rien de surprenant à voir un physicien comme Fechner rechercher quelles sont les conditions du beau dans la nature et puis dans l’art, cette imitation de la nature.

Le livre répond bien aux espérances conçues à la lecture du titre. C’est une esthétique empirique ou plutôt une série d’études expérimentales sur les diverses questions qui se rattachent au beau ; non pas un nouveau système d’esthétique, déduit d’idées à priori, mais des matériaux pour servir à la constitution méthodique de cette science. De là le titre du livre, qui veut dire introduction, prolégomènes, propédeutique. Les systèmes échafaudés jusqu’à présent lui paraissent des colosses aux pieds d’argile, parce qu’ils transportent le lecteur de prime-saut au but, c’est-à-dire à l’idée à laquelle on ne devait arriver qu’insensiblement et par le chemin de l’observation. C’est ce chemin qu’il faut gravir pas à pas au lieu de descendre d’idées à priori indémontrables. Aussi appelle-t-il son esthétique esthétique d’en bas, par opposition à celle d’en haut, des métaphysiciens. Il reconnaît que cette marche est lente, modeste et ne conduit pas sur les cimes éthérées. chères aux partisans de l’autre méthode ; du moins, ajoute-t-il ironiquement, elle est sûre et ne mène pas aux abîmes. « Sans doute, la métaphysique du beau a une plus haute portée que toutes les esthétiques empiriques, de même qu’une philosophie de la nature, si on la fait jamais, aura une supériorité incontestable sur la physique et la physiologie. Mais de même que la vraie philosophie de la nature ne pourra jamais remplacer les sciences, ni les déduire d’une idée à priori, tandis qu’elle s’en servira comme de base et de prémisses nécessaires, de même la métaphysique du beau, pour pouvoir se constituer, a besoin de l’esthétique expérimentale ». — « Au moins, dira-t-on, ne serait-il pas opportun d’éclairer de principes méthaphysiques la marche de l’esthétique empirique ? J’en doute. Il en est de l’esthétique comme de la physique, qui s’est fourvoyée toutes les fois qu’elle s’est laissé guider par ces prétendues lumières de la philosophie de la nature. Quiconque cherche la lumière — et la voie de l’empirisme n’a pas d’autre but — ne saurait vouloir éclairer son chemin des lanternes fumeuses de la métaphysique ». Telle est la scrupuleuse fidélité de l’auteur à cette méthode qu’il s’interdit sévèrement de faire la moindre allusion ou de renvoyer aux résultats obtenus dans sa Psychophysique. Ce livre n’est cité que deux fois, en note, dans tout l’ouvrage. À ce soin jaloux de sauvegarder l’indépendance de ses recherches, on reconnaît le physicien habitué, à chaque expérience, à écarter tout ce qui pourrait en compromettre le succès. Ce n’est pas coquetterie d’écrivain, mais rigueur scientifique.

Maintenant que la méthode est choisie, sur quoi porteront nos observations ? Nous bornerons-nous, comme on a fait jusqu’ici, à défi-