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d’un adjectif impliquant l’âge », de sorte que « earl » et « alderman », issus tous deux de la même racine, sont des noms honorifiques, qui doivent également leur origine à cette supériorité sociale attachée à l’âge.

La question de savoir s’il faut ajouter ici le titre allemand Graf est encore en discussion. Si Max Müller a raison de regarder les objections de Grimm à l’interprétation courante comme insuffisantes, alors le mot signifiait originairement gris, c’est-à-dire tête grise.

Nous pouvons être très-brefs à l’égard des autres titres qui démontrent respectivement le principe général que nous avons posé.

On n’est pas plus d’accord sur l’origine du mot king (roi) que sur celle des autres qualifications honorifiques qui prirent naissance dans les temps primitifs. Cependant on convient généralement qu’il faut en chercher la racine dans le sanscrit « ganaka » ; et dans cette langue « ganaka » signifie produisant, père, ensuite roi. Si telle est la vraie origine du mot king, nous avons simplement là un autre titre pour désigner le chef du groupe familial, du groupe patriarcal et de l’ensemble des groupes patriarcaux. La seule remarque importante que nous ayons à ajouter, c’est la manière dont ce nom, en entrant en composition avec d’autres, produit un titre plus élevé. De même que le nom hébreu Abram, signifiant « père élevé », servait à désigner le père et le chef de beaucoup de groupes inférieurs, de même que les équivalents grecs et latins de notre mot patriarche signifiaient implicitement, si ce n’est explicitement, un père de pères, de même il est arrivé pour le titre « roi » qu’un potentat reconnu comme le chef de nombreux potentats a été appelé dans bien des cas d’une manière descriptive « roi des rois ». En Abyssinie, ce nom royal composé est employé encore de notre temps ; il avait été adopté par les anciens monarques égyptiens, et il existait aussi en Assyrie comme un titre suprême. Ici, nous nous trouvons encore en présence d’une relation entre les titres terrestres et célestes. De même que « père » et « roi », « roi des rois » désigne à la fois le chef visible et le chef invisible.

Le besoin d’attribuer un nom distinct ou additionnel au potentat qui devient le chef de beaucoup de potentats donne naissance à d’autres qualifications honorifiques. Dans la France féodale par excellence, tant que le roi était simplement un seigneur supérieur aux autres, on disait, en lui parlant : « sire » ; c’était le titre porté par les seigneurs féodaux en général ; mais après le milieu du xvie siècle, quand sa suprématie fut définitivement établie, on lui appliqua, comme marque de distinction, le titre de « majesté ». La même chose eut lieu pour les potentats d’ordre secondaire. Dans les pre-