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herbert spencer. — études de sociologie

homme par un autre nom qui rappelle à la fois cette paternité honorable et spécifie une personne par le nom de son enfant. Les Malais, dit Saint-John, a ont coutume, comme les Dyaks, de prendre le nom de leur premier-né, par exemple : Pa-Sipi, le père de Sipi. » Marsden cite cet usage comme étant commun à Sumatra, et Ellis donne comme exemple le Madagascar. La même chose a lieu chez quelques tribus indiennes des Collines ; les Kasias « se désignent les uns les autres par les noms de leurs enfants, comme Pabobon, père de Bobon. » L’Afrique aussi fournit des exemples. Les Bechuanas, en s’adressant à M. Moffat, avaient l’habitude de dire : « Je parle au père de Marie, » et dans les États pacifiques de l’Amérique du Nord il y a des gens si avides de porter ce nom honorifique primitif que, jusqu’à l’époque où un jeune homme a des enfants, son chien occupe à son égard la position d’un fils, et on le désigne comme le père de son chien.

La suprématie associée à l’âge dans les groupes patriarcaux et dans les sociétés dérivées par composition des groupes patriarcaux a donné naissance à un groupe de titres analogues, mais divergents. Cette suprématie est démontrée en premier lieu par le précepte d’honorer les parents qui, dans les dix commandements, est placé immédiatement après celui d’honorer Dieu, et en second lieu par les honneurs rendus aux vieillards en général. La vieillesse étant tenue en honneur, les mots indiquant l’ancienneté d’âge deviennent des noms de dignité.

Les commencements peuvent être discernés chez les peuplades non civilisées : les conseils étant composés des hommes les plus âgés, il s’établit un rapport entre le nom local qui désigne un vieillard et une charge qui confère un certain pouvoir et par conséquent des honneurs. Prenant simplement note de ce fait, il nous suffira de suivre chez les peuples de l’Europe le développement des titres auxquels il donne naissance. Chez les Romains, senator ou membre du sénat — deux mots ayant la même racine que senex — désignait un homme qui faisait partie de l’assemblée des anciens, et dans les temps primitifs ces sénateurs ou anciens, autrement appelés patres, représentaient les différentes tribus, — père et ancien étant dans ce cas des termes équivalents. Un autre mot de la même famille, senior, a donné dans les langues dérivées : signor, seigneur, senhor ; appliqués d’abord aux potentats, aux chefs ou seigneurs, ces mots sont devenus par diffusion des titres honorifiques pour les personnes d’un rang inférieur. La même chose est arrivée pour ealdor ou aldor. Ce mot, dit Max Müller, « comme beaucoup d’autres titres indiquant le rang dans les différentes langues teutoniques, est dérivé