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est connu pendant des années sous le nom de « tempête » ou « nouvelle lune », ou « père revenu », nous montre qu’à l’origine ce nom était simplement une allusion à un événement qui s’est passé au jour de sa naissance et était un moyen d’appeler l’attention sur cet enfant en particulier. Si plus tard on le nomme « Ecrase-tête » ou « Selle malpropre » (noms Dacotahs), cela vient de ce qu’on se sert spontanément d’un autre moyen d’identification quelquefois meilleur. Évidemment la même chose a eu lieu pour les noms moins nécessaires, comme le sont les titres. La seule distinction qui existât entre eux et les noms propres ordinaires, c’est qu’ils indiquaient quelque trait, quelque acte ou quelque fonction regardés comme honorables.

Chez différentes races sauvages, quand un homme accompht un grand exploit, on lui confère un titre d’honneur qui est joint ou substitué au nom sous lequel il était connu auparavant. Les Tupis fournissent un excellent exemple. « Le fondateur de la fête (cannibale) prit un nom de plus pour rappeler le souvenir honorable de ce qui avait été fait, et ses parents coururent à travers la maison en publiant ce nouveau titre à grands cris. » Hans Stade nous dit à propos de ce même peuple : « Autant d’ennemis que l’un d’eux met à mort, autant de noms il se donne ; ceux-là sont les plus nobles qui ont le plus grand nombre de pareils noms. » De même dans l’Amérique du Nord, quand un jeune Indien de la Baie rapporte son premier scalpe il est proclamé homme et guerrier et reçoit « un nom de guerre ». Chez les peuples plus avancés de l’ancien Nicaragua, cette pratique avait donné naissance à un nom général désignant ceux qui étaient dans ce cas : on appelait tapalique celui qui avait tué un autre dans un combat, et cabra était un titre équivalent chez les Indiens de l’isthme.

En comparant les témoignages fournis par deux sociétés sanguinaires et cannibales inégalement développées, nous voyons comment les titres d’honneur descriptifs que l’on conférait pendant les premières périodes militantes deviennent dans quelques cas des noms officiels. Aux îles Fidji « les guerriers de distinction reçoivent des titres d’honneur tels que « le distributeur d’un district », « le ravageur d’une côte », « l’exterminateur des habitants d’une île », — le nom de l’endroit en question étant ajouté. » D’autre part dans l’ancien Mexique les noms des charges remplies par les frères du roi ou ses parents les plus proches étaient a exterminateurs d’hommes », « celui qui verse le sang ».

Chez les peuples tels que les Fidjiens, qui ont une conception très-vague de la différence entre les hommes et les dieux, et qui conti-