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analyses. — lilienfeld. Die Socialwissenchaft.

deux conceptions ? Il se tait, suivant en ce singulier procédé de discussion l’exemple de beaucoup de ses prédécesseurs, entre autres de M. Bagehot, qui, page 11 de son livre sur les Lois du développement scientifique des nations, s’excuse de la façon suivante : « Sans doute, la doctrine moderne de la conservation de la force », si on l’applique à nos décisions, est incompatible avec le libre arbitre ; si vous affirmez que « la force ne subit jamais de perte, ne fait jamais de gain, » vous ne pouvez prétendre qu’il y ait dans l’acte de volition un gain réel et comme une création de force nouvelle. Mais je n’ai rien à démêler ici avec la conservation universelle de la force. La conception des organes nerveux considérés comme des magasins où s’accumule un pouvoir qui doit son origine à la volonté ne soulève ni n’exige une discussion si vaste. » — Il semble cependant qu’une réflexion même peu attentive, loin de découvrir dans la doctrine de l’équivalence la négation de la liberté, y trouverait le fondement le plus assuré de son affirmation. Les travaux de Matteucci sur l’électro-physiologie appliquée à la détermination de l’équivalent dynamique de la force nerveuse (1844), les mémoires de Helmholtz sur le travail des muscles (1848) et sur le coefficient économique de la machine humaine, les expériences de Cl. Bernard sur la galvanisation et la section du sympathique et des nerfs en général (1862), répétées, développées, généralisées par Heidenhain, Tscheschichin, Brück, Gunther, Naunyn, Quincke, Liebermeister, Schiff, Lombard, etc., les déterminations expérimentales de M. Hirn (1858), confirmées par Béclard (1862), poursuivies par Fick et Wislicenus, appliquées par Sanson à la zootechnie, s’accordent à prouver que la théorie mécanique de la chaleur s’applique à toute espèce de travail physiologique et par conséquent au travail nerveux. Or, l’intensité de ce travail est corrélative des phénomènes moraux, absolument comme le frottement d’une courroie est corrélatif de la quantité de chaleur développée. Si le travail mécanique est ici une transformation de la chaleur, les phénomènes moraux ne sont, dans tous les cas, qu’une transformation du travail nerveux. Ils sont donc indépendants des forces physiques, en ce qu’ils ne sont au fond que les forces physiques ; ils sont indépendants, parce que dépendre de soi-même, c’est ne dépendre de rien. L’acte prétendu libre est libre parce qu’il n’est qu’une autre forme du motif, et le motif est libre parce qu’il n’est qu’une autre forme de la sensation ou du mouvement. L’auteur aurait donc pu voir sans grands efforts de raisonnement que, prise séparément ou prise dans ses transformations, là liberté est comme toutes les forces, un principe simple ou une synthèse, suivant qu’on la considère au point de vue quantitatif ou au point de vue de la qualité.

Ces remarques nous conduisent au chapitre VII, qui est consacré aux différences d’action des forces organiques et des forces inorganiques. Ces différences sont réduites à cinq : 1° transformation relativement active et diverse des forces ; 2° unité intérieure dans la vie de l’organisme exprimée par des mouvements séparés consécutifs ;