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ORIGINES

DE LA PSYCHOLOGIE ÉVOLUTIONNISTE



LA PSYCHOLOGIE DE LAMARCK


I


Il y a un véritable intérêt historique à montrer que le xviiie siècle français, si souvent considéré comme une époque de critique uniquement destructive et taxé de stérilité philosophique, a été au contraire le berceau d’un grand nombre d’idées, d’hypothèses d’avenir, qui ont cours aujourd’hui et qui alimentent les systèmes contemporains. Cette observation s’applique particulièrement à la psychologie. La plupart des courants que suit de notre temps la science de la nature humaine ont leur source dans les travaux du dernier siècle ou des premières années de celui-ci. — La psychologie comparée, par exemple, celle qui comblant l’abîme creusé par l’automatisme de Descartes rétablit entre les animaux et l’homme des analogies et une parenté qu’on ne saurait nier, a fait ses débuts avec Georges Leroy, l’auteur des Lettres sur les animaux, ce chasseur doublé d’un psychologue si pénétrant et si fin, qui avait fait sa philosophie dans les bois, et qui connaissait à fond l’esprit des bêtes pour avoir passé sa vie à se servir d’elles, ou à les poursuivre et à les traquer, en sa qualité de lieutenant des chasses au parc de Versailles. — De même la psychologie physiologique, que tant d’efforts enrichissent de notre temps, existait déjà, dès le milieu du xviiie siècle, dans les écrits de La Mettrie, de ce médecin philosophe, dont l’enthousiasme inconsidéré de quelques-uns de nos contemporains veut faire à tort un grand homme, — Lange prétend qu’il avait une plus noble nature que Voltaire ou Rousseau, — mais qui, pour avoir été un voluptueux et être mort d’une indigestion, ne mérite pas qu’on oublie la nouveauté de ses vues physiologiques. L’Histoire naturelle de l’âme et l’Homme-machine nous entretiennent déjà des actions réflexes, des circonvolutions qui caractérisent le « cerveau tortueux » de l’homme, des lésions cérébrales et de la folie, des différences de volume que présente le cerveau