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fait une ascension se trouve parvenu donne la mesure de sa fatigue.

Toute mesure indirecte d’un phénomène par un autre phénomène est donc subordonnée à la construction de deux échelles, où sont inscrits respectivement les nombres des intensités croissantes de ces mêmes phénomènes. Il s’agit maintenant de faire concorder ces deux échelles. Il va de soi, semble-t-il, que les nombres inscrits de part et d’autre doivent être en stricte correspondance. J’ai, par exemple, mesuré l’espace parcouru et le temps nécessaire à le par- courir; je dois inscrire en face de chaque division métrique la se- conde ou la fraction de seconde que marque l’horloge quand le corps lancé dans l’espace passe devant elle,, ou bien inscrire en face des chiffres du temps le nombre des mètres parcourus au bout de cha- que seconde. Pour obtenir une concordance parfaite je ferai partir mes deux colonnes de chiffres du commencement des deux phéno- mènes comparés, c’est-à-dire, dans l’exemple choisi, du moment où le corps ne tombe pas encore, et je ne marquerai le temps que dès le début de la chute, et non avant ou après, de peur d’embrouiller les comptes. De sorte qu’en face de l’espace se trouve le temps 0. Or cette condition n’est pas non plus remplie dans Fechner. Nous l’avons vu dans le chapitre précédent, en face de l’excitation est inscrite la sensation = l’infini négatif ; et en face de la sensation est inscrite l’excitation = 1. C’est là, à première vue, une étrange anomalie, dont nous examinerons la raison plus tard.

Ce n’est pas qu’il n’essaie de la justifier à priori, en dehors de toute considération spéciale. Il rappelle, par exemple, que les logarithmes présentent la même particularité : le logarithme de 0 est l’infini négatif, celui de l’unité est 0. Je ne discuterai pas cet argument, l’ayant déjà fait suffisamment autre part * ; un simple changement dans la définition du logarithme fait disparaître la singularité. Il dit encore qu’une courbe peut avoir une ordonnée finie correspondant à une abscisse nulle. Mais un simple recul de l’origine supprime l’argument. On est toujours libre de faire des changements analytiques; on est libre, en un mot, de faire glisser sur elle-même l’une des deux échelles; mais, dès ce moment, les nombres qui y sont inscrits ce.- sent de représenter des quantités, ce ne sont plus que des numéros d’ordre, et ils ne marquent plus l’union intime qu’il y a entre les deux phénomènes.

Fechner accumule les similitudes pour montrer qu’un phénomène qui dépend d’un autre peut commencer après cet autre (p. 93 et suiv.). Il fait nuit, le soleil avance; et pourtant le jour qui dépend de la marche du soleil n’éclatera que quand l’astre apparaîtra au-des-

1. Étud. psych., p. 15.