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plus les digressions que l’usage des citations : à la suite des maximes empruntées à d’autres la pensée personnelle de l’auteur se détourne de sa voie et se répand dans tous les sens. Un autre défaut, c’est que, dans ses attaques contre la Providence, M. Viardot ne distingue pas assez nettement la conception quelquefois naïve des religions positives et des croyances populaires d’avec les notions plus hautes que professent sur le gouvernement du monde les philosophes rationalistes. Il y aurait convenance logique, il y aurait justice aussi à ne pas confondre la cause des petits miracles et celle d’une Providence générale, telle que la concevait déjà Malebranche dès le xviie siècle. Certes nous ne dissimulons pas la gravité des arguments que M. Viardot fait valoir à son tour, après tant d’autres pessimistes : mais est-il légitime, en pareille matière, de triompher aussi bruyamment des difficultés que soulève l’opinion que l’on combat, en oubliant toutes celles qui restent à la charge de celle que l’on défend ? Dans quel désarroi la raison humaine ne se trouverait-elle pas, si, cédant à l’argumentation de M. Viardot, elle se décidait à exclure du gouvernement du monde toute intelligence organisatrice, et à se représenter l’univers comme une succession de faits sans cause et sans but. Enfin n’est-il pas vrai que M. Viardot abonde un peu trop dans son sens ? et n’est-ce pas une preuve remarquable de sa négligence à l’endroit des raisons données par ses adversaires que dans le cours de toute cette discussion, relative à la création et à la Providence, il ne soit pas dit un seul mot des causes finales ?

Nous n’insisterons pas sur l’étude que l’auteur a consacrée à l’âme. Ici encore, l’auteur a réuni, comme dans une sorte d’arsenal, toutes les armes, vieilles ou neuves, fortes ou faibles, dont le matérialisme s’est servi dans sa lutte contre le spiritualisme. Nous aimons mieux signaler le dernier chapitre, Science et Conscience, où M. Viardot essaye d’édifier une doctrine morale, et d’échapper aux conséquences pratiques que pourraient entraîner ses négations spéculatives. La théorie de la morale indépendante y est présentée avec force, avec cette élévation de sentiment et cette sincérité intellectuelle qui distinguent l’auteur, qui commandent l’estime et le respect de ses adversaires, et qui font de son livre une lecture intéressante même pour les dissidents.

G. Compayré.




LIVRES NOUVEAUX

Shadworth H. Hodgson : The Philosophy of Reflection. 2 vol. in-8o. London. Longmans, Green and Co.

Sime (James). Lessing, His Life and Writings. 2 vol. in-8o. Trübner and Co. London.

Ch. Woodruff Shields. The final Philosophy, or System of perfectible Knowledge issuing from the harmony of science and religion, in-8o. New-York. Scribner, Armstsrong and Co.