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ANALYSESdühring. — Cursus der Philosophie.

à tous deux le sens socialiste, qui est la vraie lumière de l’histoire. L’histoire doit retracer l’évolution progressive des forces de la vie au sein de l’humanité. — Cette évolution dépend surtout du développement des facultés intellectuelles, et, par suite, de la science et de l’industrie de l’homme. — La Révolution française divise en deux l’histoire du monde et ouvre pour la société une ère toute nouvelle. Le xixe sièclee demeure encore, sans doute, essentiellement réactionnaire. Il l’est même plus que le précédent, au point de vue intellectuel. « Malgré la réaction étendue qu’a provoquée chez lui la révolution précipitée de 93, il porte néanmoins dans son sein les germes d’une transformation bien autrement profonde que celle à laquelle avaient songé les précurseurs et les héros de la révolution. Le socialisme communiste est devenu le programme universellement accepté dans le dernier quart du xix e siècle. » Le passage de l’esclavage pur au travail mercenaire est peu de chose auprès de la disparition de ce dernier, auprès de la suppression de l’État oppresseur. — Ce qu’il y a de plus intéressant dans l’histoire du passé, ce sont les lois de l’évolution politique, qui décident de l’existence, de la constitution et de la mort des peuples. Tout ce qui a commencé doit finir : telle est la loi commune des peuples et des individus. Bien que l’idéal de la société libre, que nous concevons pour l’avenir, nous paraisse le terme extrême de l’évolution sociale, il peut se faire que le perfectionnement moral de l’individu rende inutiles un jour l’action et la protection de l’État, et que les hommes finissent par ne plus connaître d’autres formes d’association que celles de la production industrielle. — Pour comprendre les lois du développement historique, il faut pénétrer jusqu’aux facteurs élémentaires de l’activité sociale. Où en serait notre science de la nature, si elle se contentait de rassembler les données immédiates de l’expérience ? La science historique doit faire comme la mécanique et analyser les forces motrices élémentaires. L’histoire officielle, trop préoccupée de complaire au pouvoir ou de flatter les préjugés populaires, n’a commencé qu’avec Buckle l’application de la méthode scientifique. Elle a trop souvent cherché à pallier les défauts du césarisme : elle aurait dû nous montrer en lui la forme dernière à laquelle aboutissent fatalement les institutions usées du système oppressif, et aussi celle qui en fait le mieux ressortir les vices irrémédiables et provoque le plu » irrésistiblement le besoin d’en finir avec le régime de l’État autoritaire. — L’historien doit déterminer le rôle des individus dans l’histoire. Buckle le réduit presque à rien ; Carlyle l’exagère démesurément. On ne saurait pas plus méconnaître, dans le développement politique des institutions que dans les inventions de la science, la part qui revient au génie et au caractère des individus. On ne supprime pas pour cela la régularité et la nécessité du processus historique, puisque les individualités sont, comme les peuples, des produits de l’action des lois naturelles. — Le même romantisme historique, qui se complaît à exagérer le rôle des individus, aime à s’attarder dans le culte rétrospectif, dans