Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, V.djvu/68

Cette page n’a pas encore été corrigée

58 REVUE PHILOSOPHIQUE

aura ainsi la sensation = 1, la sensation = 2, la sensation = 3. C'est la condition qui seule permet de la traduire en nombre ; et, si cette condition n'est pas remplie, toute loi psychophysique, c'est-à-dire toute relation entre l'excitation et la sensation, n'a pas de portée ni de sens. Dans mon Étude psychophysique \ pénétré de la rigueur de cette exigence, je m'exprimais ainsi : « Un homme gravit une mon- tagne. Dans son ascension il effectue un certain travail qui s'évalue par le poids de son corps et la hauteur à laquelle il s'est élevé. Pour chaque mètre franchi il y a la même quantité de force dépensée. L'épuisement du corps est ici le phénomène objectif, tout à fait assimilable à la dépense du combustible dans une locomotive. Mais à ce phénomène corporel correspond un phénomène subjectif, incommunicable, intraduisible par la parole, c'est la fatigue. La fatigue, elle aussi, croît avec la hauteur à laquelle on parvient, mais elle croît beaucoup plus vite que la dépense de force. Le millième mètre ne demande pas plus de travail que le premier, et cependant il produit plus de fatigue. D'après quelle loi croît- elle? Il y a sans doute une étroite relation entre l'épuisement <Ju corps et la fatigue ; mais quelle est cette relation ? Pour la trouver, il n'y a qu'un seul moyen : c'est d'inscrire en face de l'échelle des hauteurs l'intensité respective de la fatigue aux différents points de la montagne. Pour cela il faudrait mesurer la fatigue, pouvoir la rapporter à une unité de fatigue et V exprimer en nombres : fatigue = i, fatigue = 2, fatigue = 3, etc. Or c'est là une très-grande difficulté. Et pourtant il faut la surmonter si Ton veut jeter du jour sur la question et rechercher la cause de la fatigue. » Plus loin, faisant remarquer que l'intensité de la sensation ne croît pas proportionnellement à l'in- tensité de la cause extérieure qui la provoque, j'ajoutais : « Ici encore, il serait nécessaire, pour trouver la loi d'accroissement du phénomène psychique de la sensation, de lui appliquer une mesure et de le traduire en nombres. » Enfin, au moment d'exposer les méthodes employées jusqu'alors en psychophysique, je dis encore : « A proprement parler, ces méthodes conduisent seulement à une loi formulant les rapports de l'excitation et de la sensation, et, par suite, elles ne pourraient fournir que la mesure relative des sensa- tions. Mais, comme les inventeurs de la loi prennent pour unité de sensation la sensation différentielle, c'est-à-dire la plus petite sen- sation perceptible, on peut dire de cette loi, et, par conséquent, de ces méthodes, qu'eues conduisent à la mesure des sensations. »

Ce dernier passage, un peu vague, dénote assez que mon attention avait été attirée, mais non fixée, sur le point défectueux de la loi

1. P. 5 et suiv.

�� �