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déploie toutes ses énergies, de manière à se rapprocher de plus en plus du type idéal de la perfection. La concurrence vitale, dont on a voulu faire, dans ces derniers temps, la loi suprême de l’humanité comme de la nature, ne saurait être l’instrument d’un tel développement. Elle érige en principe l’égoïsme et l’injustice ; elle ne conduit qu’au chaos, a l’hostilité de tous contre tous, à la décomposition et à la ruine physique et morale. — Le progrès de l’espèce dépend surtout du nombre et de la qualité des naissances. Ici encore, la croyance superstitieuse a l’infaillibilité de la nature a tout compromis. La qualité des naissances dépend de celle des unions, et l’amour seul est le gage certain de cette dernière. Malheureusement, l’amour tient peu de place dans les unions d’aujourd’hui ; et l’infériorité des produits qui résultent des unions contractées sans lui le prouve surabondamment. L’amour, du reste, a son prix par lui-même, indépendamment de la génération. Il relie l’individu à l’espèce et constitue le plus sûr stimulant de la sympathie pour les autres hommes. — La philanthropie est un mot dont on n’a pas moins abusé que de celui d’amour. Beccaria se prétendait philanthrope, tout en déclarant qu’il ne voulait pas s’exposer au martyr pour la vérité ; et Marat croyait ne faire que servir avec énergie la cause de l’humanité lorsqu’il dressait ses listes de proscription. La philanthropie vulgaire se couvre du manteau de la charité chrétienne, et ne travaille guère qu’à la guérison des moindres plaies de la société, soignant les blessés, mais amnistiant la guerre. — Nous en dirons autant de la philanthropie, qui se préoccupe de réformer les institutions sociales, d’améliorer le code criminel. Il convient néanmoins de parler des tentatives qui ont été faites pour supprimer la peine de mort et adoucir les autres peines. Tuer le coupable, c’est certainement dépasser les limites de la vengeance et de la justice. C’est, plus sûrement encore, méconnaître le sentiment supérieur de la solidarité humaine, qui engendre la pitié et l’indulgence pour les égarements inévitables et la perversité fatale des individus. Les mêmes sentiments réclament l’adoucissement des peines. Ne serait-il pas bon de traiter les coupables comme des malades et de travailler plus à leur amélioration qu’à leur châtiment ? Ne serait-il pas temps de chercher à prévenir les crimes, moins par la crainte de la répression que par l’amélioration des caractères et le perfectionnement de l’état social ? Tourner contre la nature les forces de l’humanité : tel serait le meilleur moyen de rétablir l’accord des individus, et par suite de supprimer les conflits et les crimes. Malheureusement, dans l’organisation actuelle de la propriété, les hommes trouvent plus facilement à s’enrichir, en divergeant leur industrie et leur énergie contre leurs semblables qu’en luttant contre la nature. — Mais laissons de côté l’examen des obstacles qui s’opposent au perfectionnement de l’homme, et parlons des moyens de le favoriser. « Les Grecs avaient inventé, et nous avons hérité d’eux, l’art d’idéaliser l’homme avec le marbre. La tâche de l’avenir, bien autrement élevée, sera de l’idéaliser en chair et en os. » L’humanisme (huma-