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E. de cyon. — le sens de l’espace

attitude quelconque. La violence de ses mouvements désordonnés est telle, qu’on a grand’peine à l’empêcher de se briser la tête. Au bout d’une quinzaine de jours, il est en état de se promener ; mais il produit a l’impression d’un animal qui commence à se mouvoir, à se tenir debout, etc. » Pendant cet apprentissage, il a besoin du concours des autres sens, surtout de la vue : si on lui ferme les yeux, il perd instantanément tous les fruits de sa nouvelle éducation.

5° Ces expériences ont une influence directe sur le mouvement des yeux. M. Cyon a constaté a que l’excitation de chaque canal semi-circulaire provoque des oscillations des globes oculaires, dont la direction est déterminée par le choix du canal excité » (p. 61). Ce dernier fait est pour lui d’une importance capitale : l’appareil moteur de l’œil jouant un rôle prépondérant dans nos représentations de la forme et de la direction des objets dans l’espace.

Il est remarquable que, après la section des canaux, l’animal, dès qu’il peut marcher, va se réfugier dans quelque coin obscur et y reste immobile. Ce qu’il cherche, ce n’est pas un point d’appui, mais l’obscurité. Il est en proie à un vertige « qui ne peut être produit que par un désaccord entre l’espace vu et l’espace formé par les sensations dues aux canaux semi-circulaires. Ces dernières sont profondément altérées à la suite de l’opération : les animaux, supposant que la cause de ce désaccord se trouve dans leur champ visuel, cherchent à s’y soustraire au moyen de l’obscurité. »

Tels sont, réduits à l’essentiel, les résultats de l’expérimentation. Reste à les interpréter.

M. Cyon rappelle en quelques pages substantielles que deux théories principales — l’une nativiste, l’autre empirique — partagent les physiologistes sur cette question : Comment se forme la notion d’espace ? Il critique l’une et l’autre, et, après avoir transcrit quelques pages de Lotze qui ont paru ici même (tome IV, p. 345 et suiv.), « parce que cette exposition lumineuse exprime en partie sa propre manière de voir, » il dit que les difficultés inhérentes aux deux théories rivales disparaissent complètement si l’on admet un sens de l’espace ayant un organe particulier. L’auteur, d’après ses expériences, place cet organe dans le système des canaux semi-circulaires. « La disposition des nerfs dans trois plans perpendiculaires l’un à l’autre (telle est la position des trois canaux) se prête à merveille pour une pareille fonction. Nous pouvons très-bien nous figurer comment les sensations d’étendue, dans trois plans, dont la disposition chez tous les vertébrés répond exactement aux trois coordonnées de l’espace, peuvent être utilisées par notre intelligence pour la construction d’une notion de l’espace. » Il croit que certaines difficultés déclarées insolubles