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herbert spencer. — études de sociologie

ce que les salutations indiquent par des actes, toutes deux ont naturellement les mêmes rapports généraux avec les types sociaux. Nous exposerons brièvement les parallélismes.

En parlant des Dacotahs, qui n’ont aucune organisation politique et qui n’avaient pas même de chefs nominaux avant que les blancs eussent commencé à établir entre eux certaines distinctions, Burton dit : « Ce que nous appelons cérémonie et manières leur est inconnu, » et il cite comme preuve l’entrée d’un Dacotah dans la maison d’un étranger avec une simple exclamation signifiant : « Eh bien ! » Bailey remarque à propos des Védas qu’en s’adressant à d’autres « ils ne se servent d’aucun des titres honorifiques employés avec une si grande profusion dans le Singhalais, le pronom to, tu, étant seul en usage, soit qu’ils se parlent les uns aux autres ou qu’ils s’adressent à ceux qui par leur position ont droit à des marques de respect. » Ces exemples établissent suffisamment le fait général que, là où il n’y a pas de subordination, il n’existe pas de formes du discours qui exaltent les personnes à qui on parle et abaissent ceux qui parlent. Réciproquement, dans les pays où le gouvernement personnel est absolu, l’abaissement de soi-même et l’élévation des autres par des paroles prennent des formes exagérées. C’est dans les communautés comme celle de Siam, où les sujets sont les esclaves du roi, que l’inférieur se nomme la poussière sous les pieds du supérieur et attribue à ce dernier une puissance extraordinaire ; c’est là que l’on évite même entre égaux de nommer la personne à laquelle on s’adresse. C’est dans les organisations sociales comme celle de la Chine, où le pouvoir de « l’Impérial suprême » n’a pas de limites, que les phrases d’adulation et d’humilité, employées d’abord dans les relations avec les chefs et devenant ensuite générales, ont été tellement outrées qu’en demandant le nom d’un autre la formule est : « Puis-je prendre la liberté de demander quel est votre noble prénom et votre éminent nom de famille ? » tandis que la réplique est : « Le nom de ma froide (pauvre) famille est…., et mon vil prénom est… ». De même, si nous nous demandons chez quel peuple la cérémonie a introduit les abus les plus raffinés dans l’emploi des pronoms, nous trouvons que c’est chez les Japonais. En effet, les guerres chroniques ont établi depuis longtemps dans leur pays un despotisme qui a acquis un prestige divin.

Si nous comparons maintenant l’Europe ancienne, caractérisée par des structures sociales appropriées aux luttes perpétuelles dont ces structures étaient issues, avec l’Europe moderne, où on livre encore de grandes batailles, mais où la guerre est plutôt la forme temporaire que permanente de l’activité sociale, nous remarquons