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vient à l’esprit qu’un grand nombre des discours de glorification adressés aux rois sont identiques à ceux que l’on adresse aux divinités. Là où le type militant est fortement développé comme autrefois en Égypte et au Pérou et maintenant au Japon, en Chine et à Siam, il arrive naturellement que les discours laudatifs adressés au souverain visible et au souverain devenu invisible sont substantiellement les mêmes. Excessivement hyperboliques quand le roi était vivant, ils ne peuvent l’être davantage quand le roi est mort et déifié. Cette identité substantielle ainsi commencée se maintient pendant les périodes suivantes pour les divinités dont les origines ne peuvent plus être retrouvées.

Nous avons vu que la salutation complète renferme deux éléments, dont l’un implique la soumission et l’autre l’affection ; des éléments analogues doivent exister dans les formules employées pour adresser la parole. Aux paroles par lesquelles nous cherchons à attirer la bonne volonté soit en nous abaissant nous-mêmes, soit en exaltant la personne à laquelle nous nous adressons, soit en faisant les deux choses à la fois, nous en joignons d’autres indiquant notre attachement à cette personne, — des vœux pour sa vie, sa santé et sa félicité.

Les déclarations que nous nous intéressons à la santé et au bonheur des autres précèdent à la vérité les déclarations de soumission. De même que les sauvages sans gouvernement aucun, ou sans gouvernement effectif, et qui n’ont pas de salutations marquant la soumission, les remplacent par des étreintes, des baisers et des caresses qui sont des signes d’affection, de même les discours affectueux précèdent les discours exprimant la subordination. Chez les Indiens Serpents de l’Amérique du Nord, les étrangers sont accostés avec ces mots : « Je suis ravi, je suis très-heureux, » et dans l’Amérique du Sud, chez les Araucaniens, dont l’organisation sociale, quoique plus avancée, n’a pas encore pris le type coercitif, parce qu’elle n’a pas traversé l’état militant, les formalités pour s’aborder, « qui occupent dix ou quinze minutes, » consistent en informations détaillées touchant la prospérité de tous les parents, accompagnées de félicitations et de condoléances soigneusement tournées. Naturellement cet élément de la salutation persiste concurremment avec le développement des actes et des phrases qui expriment la sujétion. Nous avons vu que les nègres de la Côte et de l’Intérieur, en même temps qu’ils saluent leur supérieur d’une manière servile, lui adressent des souhaits et des félicitations. Chez les Foulhas et les Abyssiniens, on s’informe soigneusement de la santé de la personne et de celle de tous les parents. Cependant c’est en Asie, où les types militants de la