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marion. — john locke d’après des documents nouveaux

tantes dans la médecine ; et, s’il eut quelque part dans les découvertes de Sydenham, nous ne pouvons savoir laquelle. Mais ils étaient d’accord sur la méthode à suivre, et, s’il l’a pratiquée avec moins d’éclat et moins de fruit, peut-être par la description qu’il en a fait, n’a-t-il guère moins servi la science médicale. Le morceau qu’il avait écrit à ce sujet pour servir de préface à un traité de son ami sur la petite vérole mériterait une place dans l’histoire de la médecine. On peut lui reprocher de n’avoir pas compris toute l’importance de l’anatomie et de la physiologie comme fondement de la pathologie ; mais il n’est pas un médecin aujourd’hui qui ne souscrive à ce qu’il dit de la nécessité d’établir la thérapeutique sur une histoire préalable des maladies et de leur marche, histoire qui ne peut se faire qu’en recueillant de toutes parts une multitude de cas, en notant avec la plus extrême exactitude les moindres accidents et les moindres symptômes. « Écrire l’histoire naturelle de chaque maladie, en écartant rigoureusement toute hypothèse, voilà l’unique moyen d’en découvrir les causes, sinon les causes éloignées et secrètes (espoir chimérique), au moins les causes immédiates et prochaines que nous pouvons saisir et qui nous indiqueront les remèdes. » — Même à propos de médecine un philosophe eût pu se montrer plus profond, reconnaître l’usage légitime, nécessaire même des hypothèses provisoires et vérifiables, laisser entendre au moins que, si la raison est impuissante toute seule, elle est pourtant indispensable à l’interprétation des faits observés et fournit les principes sur lesquels repose l’induction. Le progrès est grand, assurément, des pages qu’on vient de lire à l’Introduction à l’étude de médecine expérimentale. Mais enfin ces pages, M. Cl. Bernard les eût signées, et il en a écrit d’analogues. On peut donc dire qu’elles ont une réelle solidité, sinon toute l’élévation possible. Ce manque d’élévation s’expliquerait d’ailleurs par la nécessité où l’on est dans les époques de transition, d’exagérer les différences entre la méthode nouvelle et celle qu’il s’agit de détrôner. On est forcément exclusif pour être clair. La synthèse des points de vue opposés ne peut venir que beaucoup plus tard. Un esprit trop compréhensif et trop conciliant ne ferait d’abord aucune besogne utile, ne serait ni compris ni suivi.

Les mêmes préoccupations d’utilité qui tournaient l’esprit de Locke vers la médecine et présidaient à sa conception des sciences naturelles le portent aussi vers les problèmes économiques, politiques, moraux, et se reflètent partout dans sa manière de les poser et de les résoudre. En général, il est presque aussi bien inspiré que possible, étant donnée cette façon unique, nécessairement un peu étroite, d’envisager toutes choses. Il ne voit pas tout, mais il voit juste. Il