Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, V.djvu/618

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
608
revue philosophique

saisissent pas toujours, mais qui est connu pour déterminer les mouvements de tous les autres, n’en est que plus importante. Cette vue atteint un si haut degré de probabilité, que nous ne comprenons pas comment des penseurs comme Hartmann et Tissot lui-même, si au courant des travaux des sciences biologiques, ont pu s’oublier au point de la méconnaître et d’imaginer des instincts différents siégeant dans des organismes rigoureusement identiques. — Bornons-nous à cet exemple des erreurs qui déparent ce livre du regretté philosophe ; celle-ci, comme plusieurs autres, est une conséquence de sa théorie fondamentale qui fait de l’instinct l’œuvre d’une volonté étrangère à l’être où elle se manifeste, et restaure l’une des causes occultes si chères à la scolastique.


II


Autant l’ouvrage de Tissot est confus, autant celui de M. Vignoli est simple dans sa conception générale et dans l’ordonnance de ses parties. Voici en deux mots le plan de l’auteur : après quelques considérations sur la méthode propre à la psychologie comparée, il expose la loi qui, suivant lui, est la loi fondamentale de l’intelligence partout où elle se manifeste ; puis il montre comment cette loi se vérifie dans le végétal, dans l’animal et dans l’homme, sans effacer les différences qui les séparent. Rien ne nous empêche ici de suivre l’ordre même de l’auteur.

Nous n’aurions rien à reprendre à ses principes généraux, et nous applaudirions volontiers à ce que sa manière d’envisager la psychologie a de large et de compréhensif, si nous ne voyions poindre dès les premiers chapitres cette même prétention, que nous venons de signaler dans l’ouvrage de Tissot, de séparer l’intelligence de l’organisme où elle se manifeste. Il est certes conforme aux tendances de la biologie actuelle de réunir sous un même concept tous les phénomènes de la vie, depuis les signes les plus douteux de sensibilité organique jusqu’aux plus hautes expressions de la pensée chez l’homme : la belle conférence de Cl. Bernard à Clermont est encore présente au souvenir de tous ceux qui suivent avec sympathie la pénétration réciproque des sciences biologique et psychologique, si malheureusement séparées au commencement du siècle ; mais c’est méconnaître je ne dirai pas seulement les tendances de la biologie, mais même les conditions de toute science expérimentale, que de nier le parallélisme rigoureux des phénomènes de l’esprit et des