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espinas. — études de psychologie comparée

gique la mieux avérée, le rapport qui unit les fonctions intellectuelles avec l’organisme dans l’animal comme chez l’homme. Certaines de ses propositions à ce sujet sont insoutenables ; ainsi, quand il avance (p. 181) que « l’instinct peut exister sans l’organe et que l’organe peut exister sans l’instinct », il témoigne de connaissances biologiques des plus imparfaites et ne fait illusion qu’à lui-même (livre III, chap. ii de la 1re partie, et livre II, chap. iv de la seconde). Certes, les différences de mœurs et d’industries sont fréquentes entre animaux pourvus d’organes extérieurs semblables ; mais il ne faut pas se hâter d’en conclure que l’organisation ne joue aucun rôle dans les aptitudes spécifiques des animaux, car on arriverait ainsi à cette proposition par trop choquante que la fonction n’a aucun rapport avec l’organe et que les mœurs du lion peuvent se rencontrer dans le corps du bœuf, ou réciproquement (p. 372, 373). Quelque luxe d’exemples qu’Hartmann ait à sa disposition, il n’a pu lui-même réussir à démontrer cette thèse si contraire aux tendances de toutes les sciences biologiques. Il n’est pas un biologiste qui ne soit disposé à sourire à la vue de titres de chapitres comme celui que nous venons de citer et qui ne soit prêt à signaler les principes élémentaires dont ils sont. la négation. Celui-ci tout au moins : que toute stimulation produit un accroissement de nutrition dans l’organe (ubi stimulus, ibi affluxus, dit très-bien ailleurs Tissot, parlant des effets de l’imagination sur nos sens), en sorte que les muscles mis en exercice par un mode d’action spécial doivent nécessairement, en vertu des phénomènes physiques et chimiques qui s’y passent, présenter au bout d’un certain temps une structure spéciale. Les muscles ne tardent pas à modifier (Marey l’a montré) les os mêmes sur lesquels ils s’insèrent. Pense-t-on que le système nerveux, si instable, si délicat ne subisse pas des changements analogues et n’en conserve pas la trace ? Mais, dira-t-on, on ne peut affirmer ces changements, puisqu’on ne les voit pas. Si le fait n’est pas vérifiable, répondrons-nous, il faudra donc aussi s’abstenir de le nier. Mais il y a des raisons suffisantes de l’affirmer, bien qu’actuellement invérifiable dans beaucoup de cas, 1° parce qu’il est hors de doute que la substance nerveuse subisse quand elle entre en activité des modifications fonctionnelles (augmentation de chaleur, afflux sanguin, etc.), 2° parce qu’on sait avec certitude que les parties de l’organisme sont solidaires et qu’il est de toute impossibilité qu’un changement notable s’accomplisse dans l’une d’elles sans que les autres en reçoivent par contre-coup des modifications corrélatives. Les centres représentatifs et affectifs sont donc très-vraisemblablement différents quand les habitudes, les mœurs sont différentes ; et la différence, pour porter sur un organe où nos instruments ne la