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espinas. — études de psychologie comparée

absolument immobile, l’autre que l’instinct est partout infaillible. Au Sénégal, l’autruche ne se tient sur ses œufs que pendant la nuit ; au cap de Bonne-Espérance, où la température est moins élevée, elle ne les abandonne ni jour ni nuit. Dans nos climats tempérés, les oies et les canes quittent volontiers les leurs, et elles ne prennent aucune précaution pour les garantir ; dans les régions polaires, les mêmes oiseaux garnissent leur nid de duvet avant de le quitter. Les rats musqués du Canada cessent de construire leurs chaudes maisonnettes et se contentent d’un terrier dans les pays plus chauds. Les travaux des fourmis varient suivant le terrain. L’araignée recoud sa toile et l’oiseau répare son nid, quand l’une ou l’autre vient à subir quelque dommage. La fauvette à tête noire reconnaît les œufs étrangers qu’on mêle à ses propres œufs ; elle les brise et les rejette. Le loup creuse la terre pour entrer dans les étables et dans les parcs lorsqu’il n’en peut franchir les clôtures. Des chiens ont tiré, pour se faire ouvrir, des cordons de sonnettes. Des chats ont pesé sur un loquet pour ouvrir à des chiens leurs amis qui gémissaient au dehors, etc. « On voit qu’il y a ici un principe qui connaît, qui distingue, qui prévoit l’effet de ses actes » (p. 140). L’instinct se trompe ; donc il comporte un jugement. Sans parler des bévues où les ruses des chasseurs et des pêcheurs font tomber les animaux, rappelons avec l’auteur les erreurs funestes que commettent certains d’entre eux dans le choix de leurs aliments, les vaches par exemple lorsqu’elles rentrent à l’étable météorisées, les grives, eût-il pu ajouter, et les singes quand ils s’enivrent au point de se rendre toute fuite impossible. Ces deux concessions sont graves ; là où l’instinct varie et se trompe, on ne peut plus lui appliquer les principes généraux énoncés ci-dessus ; il n’est plus cette activité qui atteint son but d’autant plus sûrement qu’elle ne le connaît pas. Si l’instinct perd ses caractères essentiels dans les régions supérieures de l’animalité et en certains cas bien au-dessous, il faut renoncer à cette classification aussi superficielle qu’expéditive qui a dévolu toute l’animalité à l’empire de l’instinct et toute l’humanité à celui de l’intelligence. Il y a encore plus d’instinct dans l’homme qu’il n’y a d’intelligence chez l’animal (p. 178). « Il présente chez l’homme le même caractère que chez l’animal, c’est-à-dire l’emploi constant, régulier, d’un moyen parfaitement approprié à une fin à laquelle soit l’individu, l’agent ou l’espèce peut être intéressée, sans, du reste, que l’agent ait la connaissance ou même le soupçon du rapport du moyen à la fin » (p. 156). Nous ne nous portons pas garant de l’exactitude de la liste qui suit : besoin de connaissance, ou curiosité, besoin d’estime, besoin de pouvoir, sociabilité, besoin