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est une espèce d’action dont le genre prochain doit être cherché dans l’adaptation des éléments organiques aux exigences de la vie totale, soit dans la plante, soit dans l’animal ; il n’y a en plus qu’une complexité plus haute et une sensibilité mieux définie. Comme l’harmonie entre les mouvements organiques et les fins de la vie, celle qui se manifeste dans les actes instinctifs est due non à une raison présente, actuelle, non à un mécanisme aveugle, mais à une intelligence étrangère transcendante (p. 181-186), laquelle se sert de l’organisme au lieu d’en dépendre et se contente de proportionner en général ses effets à la complexité de la machine vivante. La diversité des instincts dans l’identité de structure organique et la Stupidité de l’animal pour tout ce qui n’est pas du ressort de son instinct spécial sont alternativement invoquées contre les deux thèses de Descartes et de Condillac, c’est-à-dire contre ceux qui réduisent l’instinct à un automatisme et contre ceux qui en font un « commencement de connaissance ». Ces quelques mots suffisent pour montrer qu’il n’y a rien d’original dans la conception de Tissot réduite à ses éléments essentiels.

Mais en revanche, si l’on descend dans les détails du livre, on y trouvera plus d’une vue saisissante, révélant une réflexion personnelle et dont l’âge n’avait pas éteint la vigueur. Le choix seul et la rare abondance des faits cités à l’appui de la thèse font de l’ouvrage un recueil de documents précieux, utile à consulter pour tous ceux qui s’occupent de psychologie animale. On n’y regrettera que la parcimonie des indications bibliographiques, défaut ordinaire de l’auteur.

En premier lieu, parmi les passages les plus attachants, signalons celui qui se rencontre dès les premières pages, et dont malheureusement on ne s’est pas toujours assez souvenu dans le cours du livre, sur le danger d’envisager l’animal en bloc, au lieu de distinguer les différents groupes d’êtres qui portent ce nom. Il est certain que c’est là une des habitudes de langage les plus préjudiciables aux progrès de la psychologie comparée ; car, à opposer sans cesse, comme on le fait, l’animal en général et l’homme en général, on risque de prolonger indéfiniment un débat qui n’a que trop duré et qui roule sur l’opposition de deux entités verbales, de deux abstractions, tandis qu’il s’agit de deux séries de faits très-étendues et très-variées qui se touchent sans s’opposer en maint endroit.

Cette réserve préalable permet à l’auteur de recueillir avec empressement toutes les preuves d’intelligence individuelle que ses nombreuses lectures lui ont fournies touchant les animaux supérieurs. Il relève avec vivacité deux des erreurs les plus accréditées dans l’école dont il suit cependant la doctrine, l’une que l’instinct est