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périodiques. — Mind.

que par conséquent un empirique peut très-bien être idéaliste comme Kant, tandis qu’un partisan de l’innéité peut être réaliste, c’est-à-dire accorder à la notion d’espace une valeur objective.

M. Robertson examine l’ouvrage de Lewes sur la Base physique de l’esprit, dont les lecteurs de la Revue philosophique ont déjà vu un compte rendu (tome IV, p. 210). Il fait remarquer que M. Lewes occupe en Angleterre une position presque unique, étant versé dans les études spéciales de la physiologie à titre de practical worker et ayant une habitude des questions psychologiques qui se rencontre rarement chez les purs physiologistes. M. Robertson combat la doctrine de l’ « automatisme » en tant qu’elle viserait à se substituer à l’expérience subjective pour tout expliquer en psychologie, et il maintient la distinction rigoureuse de la psychologie et de la biologie.

John Venn. De l’Usage des hypothèses. — Article ingénieux et intéressant. On peut distinguer trois sortes d’hypothèses : 1° constructives, celles qui servent à édifier une théorie provisoire ; 2° illustratives, employées en mathématiques et en physique pour nous familiariser avec des cas possibles et mieux comprendre le jeu des lois naturelles ; 3° pratiques, combinaisons imaginaires, dont nous tirons des conclusions en vue de l’avenir. L’auteur s’étend sur ces dernières : il en donne des exemples en économie politique, en morale, en histoire. Que serait-il arrivé si César n’avait pas existé, si le christianisme avait été adopté par Marc-Aurèle au lieu de l’être par Constantin, si Luther avait été moins ferme ? Ces hypothèses n’ont qu’une valeur « dramatique », et l’intérêt qu’elles offrent est « esthétique plutôt que scientifique ou pratique ». L’hypothèse est employée dans une foule de cas où elle ne paraît pas l’être explicitement, quand, par exemple, pour détourner d’une action blâmable, on dit : « Qu’arriverait-il si chacun agissait ainsi ? » objection que l’auteur ne trouve pas fondée et qui l’amène, d’une façon assez inattendue, à critiquer le critérium moral de Kant : « Agis de telle façon que ta maxime puisse devenir une règle de conduite pour tous les hommes. »

W.-K. Clifford. Sur la nature des choses en elles-mêmes. — Cet article a pour but d’établir qu’une manière de sentir (feeling) élémentaire coexiste avec les mouvements élémentaires du cerveau, de la même manière que la conscience coexiste avec les mouvements complexes du cerveau ; que ce feeling est une « .chose en soi », un absolu, dont l’existence n’est relative à aucune autre chose. Cet élément est ce que l’auteur appelle de l’étoffe à esprit (mind-stuff). « Une molécule de matière inorganique en mouvement ne possède ni esprit ni conscience ; mais elle possède une petite portion de matière à esprit. » L’auteur conclut par ces deux points : 1° La matière est un tableau mental dans lequel l’étoffe à esprit est la chose représentée. 2° La raison, l’intelligence et la volonté sont des propriétés d’un complexus