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groupes de phénomènes est précédée, suivant la méthode suivie par les psychologues anglais et qui sera bientôt d’un usage universel, de l’étude des parties du système nerveux correspondantes. Sur les réflexes, M. Caroli adopte la théorie de Lewes et de Hartmann, c’est-à-dire qu’il n’hésite pas à leur attribuer la conscience ; il l’attribue même à certaines parties de l’organisme non pourvues de filaments nerveux. Les phénomènes sensori-moteurs sont pour lui l’occasion d’une pénétrante analyse des actes instinctifs : loin de séparer l’animal de l’homme, loin de faire de l’un une machine pour réserver à l’autre le privilège de la spiritualité, il établit, au contraire, que l’instinct supposant une force spontanée capable de varier ses effets, l’intelligence humaine en suppose une à fortiori, mais d’un degré supérieur. Le tableau des sensations est des plus complets : nous n’avons pas un seul traité de psychologie qui puisse, sous ce rapport, être comparé à celui-ci. Nous ne pouvons entrer avec l’auteur dans le détail de sa théorie de l’intelligence : idées primitives, fondamentales, association des idées, mémoire, langage, imagination constructive, connaissance scientifique, tous ces points sont l’objet de brèves, mais substantielles indications, qui font du traité plutôt un livre de maître qu’un livre d’élève, mais qui ont ce grand avantage de laisser subsister, grâce à leur sobriété, l’unité de l’activité intellectuelle, trop souvent masquée par la multiplicité des distinctions et des développements. L’étude de la volonté libre forme le couronnement de cette dernière partie. Ce qui manque à cet exposé sommaire de l’économie générale de nos facultés, c’est un chapitre sur les émotions. C’est là une lacune d’autant plus regrettable que le traité est plus complet sur tout le reste. Nous recommandons à tous les jeunes spiritualistes désireux de rester au courant du mouvement scientifique le chapitre qui clôt l’ouvrage et en est en quelque sorte l’épilogue, sur les rapports de la pensée avec le cerveau, de l’esprit avec la matière. L’esprit de toute cette discussion est large ; on ne voit pas un homme inquiet, cherchant à barricader son obscur réduit de façon que pas un rayon n’y pénètre du dehors ; non, M. Caroli veut que sa doctrine reste ouverte à toutes les inspirations de la science contemporaine, il les accueille avec sympathie, et il n’admet pas un instant soit que ses convictions puissent être contredites par les résultats de l’observation, soit que ceux-ci puissent être contredits par elles. — On se souvient que nous avons signalé l’année dernière une Logique du même auteur qui nous a paru mériter les mêmes éloges.

A. Espinas.