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sur l’écran par les deux bougies sera égale à ou . M. Lowne choisit alors parmi ses papiers les deux teintes correspondant aux deux ombres, de manière que, collés sur l’écran, ils fassent le même effet sur l’œil. Si l’on représente par la quantité de blanc qui se trouve dans l’écran, on trouve les deux ombres naturelles exactement imitées par des ombres artificielles où il reste respectivement et de blanc. Or, si l’on compare les nombres , et au nombres , et , on voit qu’ils sont entre eux comme les carrés à leur racine. Donc, conclut M. Lowne, la sensation est proportionnelle à la racine carrée de l’excitation.

Je ne sais vraiment pas pourquoi M. Lowne n’est pas arrivé, au contraire, à cette conséquence qu’elle est proportionnelle au carré de l’excitation, car il y a ici vraiment à se demander pour quelle raison la sensation serait mesurée par les ombres artificielles plutôt que par les ombres naturelles. En réalité, la sensation comme quantité ne joue ici aucun rôle. M. Lowne a purement et simplement comparé deux sortes d’excitations ; et la seule conclusion légitime à tirer de ses expériences est celle-ci : Pour représenter des ombres continues ayant des intensités lumineuses égales à ( étant la distance) par des ombres discontinues produites par les hachures noires d’un fond blanc, il faut que la proportion de blanc laissé soit égale à . Par parenthèse, cette proposition est assez curieuse.

M. Lowne s’est donc, me semble-t-il, mépris ; et cette méprise est si grande que je crains moi-même d’en commettre une en la lui signalant[1]. Il a fait, en un mot, de la physique, croyant faire de la psychophysique. C’est que, tout bien compté, ces deux sciences confinent aux mêmes limites. Et plus d’un lecteur, sans doute, en lisant cette discussion se sera demandé si, à mon tour, je ne m’occupe pas plus de physique que de philosophie. Mais qu’on n’oublie pas que la psychophysique s’est donné pour mission d’étudier les sensations, c’est-à-dire les manifestations premières de toute vie intellectuelle, et d’appliquer à cette étude, autant que possible, les procédés des sciences dites expérimentales, et mon excursion sur le domaine d’une de ces sciences me sera pardonnée.


V. — Discussion mathématique. — Préambule et plan de cette discussion.


J’aborde maintenant la partie la plus ardue et la plus ingrate de ma tâche. Langer et un correspondant anonyme de la Revue scien-

  1. Je rectifie, pour les lecteurs qui seraient curieux de lire ce travail, une erreur de chiffres qui rend un passage tout à fait incompréhensible : p. 709, vers le bas, il faut lire au lieu de .