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2° « Il se forme continuellement dans l’âme humaine de nouvelles propriétés primordiales. » Tel est l’énoncé du second processus. La justification de cette hypothèse est dans ce fait que, de temps en temps, certains modes d’activité s’épuisent en nous, sont comme frappés d’incapacité et sont remplacés par d’autres. Ces formations nouvelles peuvent être comparées à ce qui se produit dans les organismes vivants, où, par suite de l’assimilation des matières nutritives, de nouvelles forces entrent en jeu. Au reste, tant que les Urvermögen ne se sont pas combinées avec les excitants qui seuls les complètent, en font une réalité, elles restent à l’état de tendances[1].

3° Le troisième processus — et ici Beneke parait bien subir l’influence de Herbart — consiste dans ce fait que les états psychiques, en vertu de leur mobilité, tendent à un certain équilibre. Nous avons vu que les propriétés primordiales forment avec les excitants extérieurs les combinaisons appelées d’ordinaire perceptions. Mais ces combinaisons sont tantôt stables, tantôt instables, et l’observation montre que, à chaque instant de notre vie psychique, il y a une tendance entre ces éléments mobiles pour arriver a s’égaliser (ausgleichen). On le voit tout particulièrement dans les cas où le niveau moyen de notre vie intérieure s’élève (joie, enthousiasme, amour, colère, etc.) ou bien s’abaisse (crainte, chagrin, etc.). Notre conscience nous montre en nous-même un changement continuel ; mais ce changement, ce passage d’une forme à une autre ne se fait que peu à peu. Ce qui a été conscient se conserve, devient un état inconscient de l’âme qui peut plus tard rentrer dans la conscience, être reproduit. Ce quelque chose d’inconscient qui persiste est appelé par Beneke une trace (Spur), et il la définit ainsi : « ce qui tient le milieu entre la production d’une activité psychique (par exemple une perception) et sa reproduction (par exemple un souvenir) » (§ 29). Ces traces, étant de nature spirituelle, ne sont nulle part[2]. Beneke a fort longuement élaboré cette théorie des traces, en la faisant précéder d’une critique sur les lois de l’association, telles qu’elles ont été posées par Hume et les Écossais. Ces traces étant des activités virtuelles, non satisfaites, non complétées, doivent être considérées comme des tendances.

4° Le quatrième processus rend compte des formes les plus complexes de l’activité psychique. « Les formes semblables de l’âme humaine et les formes analogues, dans la mesure de leur ressemblance, s’attirent ou tendent à former des combinaisons de plus en plus étroites. » On en trouve des exemples dans les comparaisons, jeux de mots, jugements, etc. Cette attraction entre des formes semblables ou partiellement semblables donne lieu soit à des mélanges instables, soit à des combinaisons, à des fusions en un état stable. Ce processus explique

  1. Strebungen, d. h. streben sie zu dieser Erfüllung, als zu der ihnen durch ihre Natur bestimmten Ergänzung, auf. — Loc. cit., § 24 et 25.
  2. Es giebt also für dièse Spuren kein « Wo ».