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ANALYSESbeneke. — Lehrbuch der Psychologie.

tout ce qui est donné par les sens, à l’autre tout ce qui est saisi par la conscience : en sorte que la psychologie sert de base à ce qu’on appelle les sciences morales et trouve en elles son complément et son couronnement. « L’objet de la psychologie, dit-il, c’est tout ce que nous saisissons par la perception interne et la sensation » (Einleitung, § 1er ). Sa nature même et sa position fondamentale expliquent la lenteur de ses progrès. 1° Par son caractère très-compréhensif (les faits de conscience étant la base de tout), la psychologie s’est toujours trouvée en rapport intime avec la métaphysique, engagée par la faute de celle-ci dans des controverses sans fin et empêchée ainsi d’accomplir sa propre tâche. 2° Elle étudie des phénomènes extrêmement complexes et embrouillés.

Le remède doit être cherché dans l’emploi d’une méthode analogue à celle des sciences naturelles : observation, induction, hypothèses, constitution de lois, déduction.

Jusqu’ici, la thèse de Beneke, si personnelle qu’elle pût paraître dans son pays et de son temps, ne diffère pas sensiblement des doctrines qui avaient alors cours à Edinburgh, à Glascow, à Aberdeen. Voici où commencent les différences : Beneke est un adversaire aussi acharné que Herbart de la théorie des facultés de l’âme. Son grand effort, son principal mérite consiste dans une réduction aussi complète que possible des états psychologiques en leurs éléments. C’est un esprit éminemment analytique, qui vise toujours à réduire, à simplifier. Pour lui, il n’y a point de facultés particulières qu’on puisse appeler mémoire, imagination, raison, etc. ; il n’existe que quatre processus fondamentaux (Grundprocessen) qui expliquent toute l’activité intellectuelle.

1° Le premier processus consiste dans la possibilité pour l’âme de réagir contre les excitations. Il suppose donc deux choses : un élément extérieur (l’excitant), une force intérieure capable de réagir (innere Kräfte oder Vermögen). De leur combinaison résultent les sensations ou perceptions[1]. — On pourra se demander si, par ses pouvoirs primordiaux (Urvermögen), Beneke ne revient pas sous une autre forme à la théorie des facultés. Mais il faut remarquer que l’âme (quelque idée qu’on s’en fasse) ne peut pas être conçue comme une abstraction nue ; elle doit avoir au moins certaines propriétés de réaction : c’est ce que Beneke entend dire, sans supposer autre chose. Ses Urvermögen ne sont que des possibilités de réagir contre les impressions extérieures, de se combiner avec elles et de fournir ainsi les conditions d’un développement ultérieur. Un critique fort sympathique à notre auteur, Ueberweg, croit qu’on ne se ferait pas une idée trop inexacte de ces pouvoirs primordiaux, qui sont les « parties les plus élémentaires de la substance psychique », en les assimilant aux cellules cérébrales. Quoique Beneke n’ait nulle part fait cette comparaison, elle ne serait pas en désaccord avec ses principes.

  1. Lehrbuch, § 22, 23.