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delbœuf. — la loi psychophysique

neuf anneaux croissent de quantités égales depuis le bord jusque vers le centre ; de sorte que, si l’on pose le contraste égal à , et si l’on désigne aussi par (ou une autre quantité plus grande ou plus petite, selon les cas) la sensation fournie par l’anneau extérieur, les neuf sensations différentes sont représentées par les nombres , qui sont en progression arithmétique. Il ne reste plus alors qu’à mesurer l’éclat réel des anneaux, c’est-à-dire la quantité de lumière que chacun d’eux envoie dans l’œil. Or, ces éclats se trouvent suivre une progression à peu près géométrique[1]. En d’autres termes, ils se rapprochent d’une série telle que la suivante : . Je ne donne pas ici, bien entendu, les chiffres réels, ni même leurs rapports réels ; j’exprime d’une manière figurée la physionomie générale des résultats. Je ne parle pas non plus des mille précautions qu’il faut prendre pour faire ces expériences ni de la façon de les varier pour se bien assurer de la réalité des phénomènes.

Ainsi, en résumé, on a mesuré deux choses : d’un côté l’excitation, qui est la quantité de lumière projetée dans l’œil, et de l’autre, la sensation, c’est-à-dire l’effet senti de cette lumière. Voyons si dans les expériences de M. Lowne on a compris le problème de cette manière.

Supposons placé entre un écran et deux bougies et qui l’éclairent, un corps opaque ; on aura projeté sur cet écran deux ombres et . L’ombre , produite par la bougie , ne recevra de lumière que de  ; de même l’ombre , produite par la bougie , ne sera éclairée que par . En éloignant ou en rapprochant les bougies, on fera varier les éclats respectifs de ces ombres et l’on pourra mettre entre eux tous les rapports imaginables. M. Thompson a, tout préparés à l’avance, de petits carrés de papier ombrés par des traits parallèles comme le sont les hachures d’une gravure. Chez l’un les hachures couvrent du blanc, chez un autre , chez un autre ou , en un mot, il a une série d’ombres que j’appellerai artificielles.

Imaginons maintenant que les deux bougies soient, par rapport à l’écran, placées à des distances doubles l’une de l’autre. On connaît la règle du carré des distances. Si donc la bougie placée à la distance de deux pieds donne à l’ombre un éclat égal à , la bougie , placée à la distance d’un pied, éclairera l’ombre quatre lois davantage, soit dans la proportion de  ; enfin la lumière projetée

  1. Si les nombres avaient été rigoureusement en progression géométrique la loi de Fechner eût été vérifiée. Mais il n’en est pas ainsi, et les déviations répondent aux corrections que j’ai faites à cette formule et dont je parlerai plus loin.