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ANALYSESmax müller. — Origine du Langage.

subir ; la racine la plus ancienne de ce mot exprime l’action de manger ; l’homme primitif n’a vraiment connu et nommé le corps humain qu’en le mangeant.

« Le monde modifié par l’activité humaine, pénétrant ainsi dans la conscience et s’y établissant pour ne plus disparaître, tel est le premier degré que la raison humaine, à l’aide des premiers sons qui accompagnent cette activité, tailla péniblement dans le granit, pour de là arriver à un second, et de plus en plus haut, jusqu’à ce qu’enfin, après des milliers de siècles, elle s’élève à ce faîte où elle dresse aujourd’hui son trône et d’où, voyant bien au-dessous d’elle la terre comme théâtre de sa puissance et de sa gloire, elle prend son essor vers les espaces insondables du ciel où elle se retrouve, comme à l’origine, dans ses propres et idéales constructions, elle s’enivre par la surabondance de sa force et rêve d’un autre monde dont celui-ci ne serait qu’une ombre et un pâle reflet. »

A. Penjon.




Sur l’origine de la raison[1]. Le livre que je voudrais recommander à l’attention des philosophes anglais a paru sous le titre de : l’Origine du langage, par L. Noiré. Le véritable but de ce livre cependant est mieux exprimé dans une courte phrase, choisie pour épigraphe du livre et prise d’un ouvrage de Geiger, l’Origine du langage et de la raison : « Le langage a créé la raison ; avant le langage l’homme était sans raison. » En effet, le titre plus approprié du livre du professeur Noiré « aurait été : l’Origine de la raison. C’est une œuvre qu’on ne peut nullement ranger dans la grande classe des traités, publiés récemment par la philologie comparée, sur le commencement du langage humain, dont la plupart, bien qu’ils contiennent le produit de pensées originales et les résultats de recherches soigneuses, nous causent tous une déception par la même raison : c’est que leurs auteurs n’avaient pas reconnu qu’on ne peut traiter le problème de l’origine du langage pour soi-même, mais qu’on doit le considérer comme une partie intégrante, même comme la pierre angulaire d’un système complet de philosophie.

L’origine des langues et l’origine du langage. — Il y a une différence entre suivre une langue ou un nombre de langues, ou même toutes les langues jusqu’à leurs premiers commencements, et rechercher l’origine du langage. De quelle manière les langues se rangent en familles et comment toutes les langues et tous les dialectes appartenant à une famille, se réduisent à leurs plus simples éléments, on peut aisément l’apprendre dans un des livres nombreux qui ont été

  1. Nous avons cru utile de mettre sous les yeux de nos lecteurs quelques fragments d’un article publié par Max Müller dans le Contemporary Review (février 1878), à propos du livre de Noiré : ils compléteront le compte-rendu qui précède.