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ANALYSES ET COMPTES-RENDUS




Ludwig Noire. Der Ursprung der Spraghe, l’Origine du langage. Mainz, 1877.

On a déjà fait remarquer (Rivista Europea, Turin, 1877, 16 sept.) que M. Noire, dont le nom paraît être un nom français, a uni, dans son livre sur l’origine du langage, les qualités françaises et les qualités allemandes. À un talent d’exposition peu commun au delà du Rhin, à la chaleur et à l’éclat, il a joint en effet une profondeur et une audace toutes germaniques. Mais ce qui caractérise ce travail, c’est l’assurance avec laquelle l’auteur oppose la solution qu’il a trouvée à toutes les autres, et la certitude qu’il exprime sans aucune fausse modestie d’avoir découvert la vérité. C’est un mérite qui est jusqu’à présent plus rare chez nous que chez nos voisins.

L’ouvrage de M. Noire, dédié aux maîtres de la science du langage en Allemagne, Herder, Humboldt et Geiger, se compose de seize chapitres. Les treize premiers contiennent l’exposé et la critique des théories proposées depuis l’antiquité jusqu’à nos jours. Les trois derniers sont consacrés à la théorie nouvelle. Nous allons, pour donner une idée du livre, résumer ici le quinzième chapitre, intitulé:« Solution du problème. »

Les trois facteurs du développement du langage sont la nature éminemment sociable de l’homme, la supériorité du sens de la vue sur les autres sens, et l’accroissement progressif de l’activité que les premiers hommes eurent à déployer en commun. Le langage humain est sorti de la sympathie de l’activité, c’est-à-dire de la communauté d’action, de la collaboration imposée aux hommes primitifs. « On ne peut imaginer aucune autre solution ; aucune ne peut aussi bien résoudre toutes les objections ; c’est la seule vraie; elle s’impose à nous comme de vive force : le langage est né de la mise en commun des activités particulières… » C’est par suite de la nécessité pour l’homme de vivre avec ses semblables et d’agir avec eux, que les sons peu à peu sont devenus intelligibles et ont formé le langage, qui est comme le sensorium commune d’un groupe, d’une race.

Le rire et les pleurs ne sont pas moins propres à l’homme que le langage. Ils naissent eux aussi de la sympathie, non de la sympathie