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visoire — qu’il serait possible que la sensation fût proportionnelle à la racine cubique de l’éclairement. Dans sa note, il donne à sa formule une expression plus générale, et au lieu d’écrire : il écrit : , étant une fraction plus petite que l’unité. Faisant l’analyse de mes travaux, M. Plateau reconnaissait que mes expériences — fondées sur ce même principe des contrastes — rendaient cette équation inacceptable et devaient faire donner la préférence à ma formule.

Je ne l’aurais donc pas rappelée, si, aux adversaires que Fechner a jusqu’ici rencontrés, ne s’était venu joindre un physiologiste et ophthalmologiste anglais, M. Thompson Lowne[1], qui reprend pour sa part la formule de M. Plateau, sauf qu’il donne à la valeur de — ce qui revient à dire que la sensation serait proportionnelle à la racine carrée de l’excitation. Il s’appuie, ou plutôt prétend s’appuyer, sur certaines expériences relatives aux impressions lumineuses qui, selon lui, mettent à néant la formule de Fechner, et même la mienne, quoique, dit-il, grâce à la constante arbitraire qu’elle renferme, elle présente plus d’élasticité.

Une hésitation quelconque entre la formule de M. Lowne et celle de Fechner ou la mienne n’est pas possible, je le crois du moins. Les expériences de Fechner et celles que j’ai moi-même faites ne conduisent en aucune façon à la loi de M. Lowne. Il faut donc que l’un de nous ait été victime d’une erreur ou d’une illusion.

Voici comment, pour ma part, j’ai opéré en appliquant le principe des contrastes. J’ai confectionné un petit appareil qui permît d’obtenir facilement et rapidement une série très-variée[2] de teintes intermédiaires entre le blanc et l’extrême noir et qui, en outre, donnât immédiatement la mesure et l’éclat réel de la teinte formée.

Étant maintenant présentés deux anneaux concentriques, l’intérieur clair, l’extérieur plus sombre, on charge plusieurs personnes de faire apparaître entre eux un troisième anneau dont la teinte paraisse également éloignée de celle des deux autres. Généralement, leurs sentiments concordent d’une façon remarquable. On conçoit qu’on puisse sans peine engendrer de cette façon une suite d’anneaux tellement gradués que les contrastes entre deux teintes voisines soient toujours sensiblement égaux. Supposons, pour fixer les idées, qu’on ait produit neuf anneaux ainsi nuancés. On aura huit contrastes égaux, et l’on pourra dire que les sensations lumineuses produites par les

  1. On the quantitative relation of light to sensation. A contribution to the physiology of the retina, dans le Journal of anatomy and physiology, juin 1877. Cambridge and London. — C’est M. Plateau lui-même qui m’a signalé cet ouvrage.
  2. Pour un éclairage donné, il y en avait 360.