Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, V.djvu/559

Cette page n’a pas encore été corrigée

REGNAUD. — ÉTUDES DE PHILOSOPHIE INDIENNE 549

âmes; or, si tous les effets de leurs œuvres avaient été épuisés dans la lune , ils n'auraient plus pu produire sur terre les consé- quences indiquées dans le passage en question ; 2° dans ce fait que le genre de créatures où se réincorporent les âmes à leur retour de la lune devient pour elles la cause d'un sort heureux ou mal- heureux, et que, si ce sort ne résultait pas de leurs œuvres anté- rieures, il faudrait le supposer fortuit, ce qui est inadmissible, attendu que les livres sacrés donnent pour règle absolue de l'élévation ou de l'abaissement sur l'échelle des êtres auxquels sont soumises les âmes incorporées, le bien et le mal qui se trouve, pour ainsi dire, à leur actif ou à leur passif 1 ; 3° dans les enseignements de la smriti, ou de la littérature sacrée non révélée, dont un passage dit formel- lement qu'après avoir goûté le fruit de leurs œuvres particulières, les individus de chaque caste, qui ont été fidèles à leurs devoirs religieux, obtiennent, grâce au reste de ces œuvres, une renaissance dans laquelle se trouvent déterminés par elles leur lieu d'origine, leur caste, leur famille, leurs qualités corporelles, leur longévité, leur science, leur métier et leur fortune 2 .

D'ailleurs les œuvres dont les âmes redescendues de la lune ont conservé quelques bribes diffèrent de celles qui les avaient amenées dans ce séjour de jouissance 3 . Ces dernières, nous le savons, con- sistent en sacrifices et en bonnes actions. Si le solde rapporté sur terre par les karminah était de même nature, la Chdndyoga-Upa- nishad n'aurait pas eu à prévoir pour ces âmes le cas de réincar- nation dans des animaux abjects, après leur retour de la lune, en punition d'actes coupables commis autrefois par elles.

C'est, au surplus, une objection sans fondement de prétendre que la mort manifeste et, par conséquent, épuise d'un seul coup tous les effets des œuvres, et que la série s'en interrompt à la fin de chaque existence écoulée pour recommencer avec chaque existence nou- velle. En effet, s'il en était ainsi, rien ne déterminerait plus les con- ditions qui font monter au ciel, descendre aux enfers, s'incarner dans les animaux, etc. ; il n'y aurait plus de distinction à faire entre le bien et le mal, puisque cette distinction serait sans objet, et les exis- tences ultérieures qui constituent le cours indéfini de la transmi-

1. Aôhyudayapratyavâyayoh sukrtadushkrtahetutvasya sdmânyatah çâstrenâva- gamitatvât. Çankara, Comm. sur les Brahma-Sûtras, III,' 1, 8.

2. Smvtir api vamâ dçramdç ca .wakarma?iiahthâh pratyckakarmapUalam anu- bhûya tatahceshfmaviçishtadeçajdtikulavû])âyiihçmtavrttavittasiikha??w pratipadyata iti. Çankara, id., ibid.

}. Amushmikaphak karmajâtc upabhukte avaçihlam aihikaphalam karmàntara-

jâtam anuçayas tadoantd varohanti. Çankara, Comm. sur les lirahma-Sûtras, III, 1, 8.

�� �