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REGNAUD. — ÉTUDES DE PHILOSOPHIE INDIENNE 547

dernière route voient s'assoupir momentanément en elles, au mo- ment où elles redescerident de la lune, l'activité intellectuelle qu'elles avaient conservée jusque-là '. Elles sont alors comme estl'esprit d'un homme qu'un coup de marteau a étourdi et qu'on peut transporter d'un lieu à un autre sans qu'il s'en aperçoive. Les organes intellec- tuels dont elles sont munies, comme nous l'avons vu, se trouvent empêchés (pratibaddha). Aussi l'union qu'elles contractent ensuite avec les plantes, au témoignage de la Chândogya-Upa7iishad (pas- sage cité plus haut), est-elle purement passive (samsargamâtra) ; elle n'est plus provoquée par les effets des œuvres qui sont mus, ainsi qu'il a été dit, par les impressions intellectuelles qui survivent dans les âmes après la destruction du corps auquel elles étaient unies- D'autres âmes, des âmes spéciales, président donc aux plantes dans lesquelles séjournent quelque temps celles qui redescendent de la lune, et ce sont ces âmes spéciales qui éprouvent les plaisirs et les peines dont les plantes sont le siège. Les âmes adventices, au con- traire, y résident à l'état d'insensibilité et d'inertie. C'est ce qui ex- plique que la Chândogya-Upanishad, après avoir indiqué moyen- nant quelle transformation les âmes des karmmah redescendent de la lune sur la terre jusqu'au moment où elles s'incorporent dans les plantes, ajoute : « Elles reprennent la forme de tout être qui en fait sa nourriture et qui émet de la semence ». En effet, si ces âmes jouissaient de l'activité intellectuelle qu'exercent celles qui président aux organismes où elles ont pris résidence, elles les quitteraient, comme ces dernières, au moment où ils sont soumis à des causes de destruction et, par exemple, puisqu'il s'agit de plantes, avant que ces plantes ne soient coupées, broyées, cuites ou mangées. Mais elles sont inertes, engourdies en quelque sorte (mûrcchitavad) et suivent les plantes dans les transformations matérielles qu'elles su- bissent en servant de nourriture aux animaux et aux hommes. C'est ainsi qu'elles peuvent quitter passivement le règne végétai pour le règne animal, de la façon qu'indique la Chândogya-Upanishad 2 . Remarquons à propos de cette explication que c'est une de celles où l'on sent le plus l'effort qu'ont fait les docteurs védântins et les sco- liastes pour ramener à un système uniforme et conséquent les con-

��vYttikavmanimittatvât gamanasya. Cankara, Comm. sur la Chândogya-Upanishad, V, 10, 6.

1. Na tathâ candramanàalâd avanirukshatâxw vrkshdgrdd iva patatâm s-acetana- tvam. Çankara, Comm. sur la Chândyoga-Upanishad, V, 10, 6.

2. Çankara, Comm. sur les Brahma-Sûtras, lll, 1, 24, et sur la Chà?id.-Upa?iishad, V, 10, 6.

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