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« Ceux dont la conduite ici-bas a été louable[1] obtiennent, selon les présomptions, une matrice avantageuse (telle que celle) d’où naît un brâhmane, un kshatriya[2] ou un vaiçya[3]. Ceux dont la conduite a été condamnable obtiennent, selon les présomptions, une matrice inférieure (telle que celle) d’où naît un chien, un pourceau ou un chandâla[4].

« Les êtres infimes (les mouches, les vers, etc., c’est-à-dire ceux qui sont tombés dans cette condition par suite de leurs œuvres répréhensibles) qui ne suivent ni l’un ni l’autre de ces chemins (le pitriyâna et le devayâna) reparaissent plusieurs fois sous la même forme, mourant et renaissant (tour à tour)[5]. »

Ce morceau, dans lequel on remarque les obscurités, les lacunes et même les contradictions qui caractérisent généralement les systèmes à l’état d’ébauche, a servi de base aux idées sur la transmigration qu’on rencontre dans les Brahma-Sûtras et dans le commentaire de Çankara sur ces Sûtras, ou sur le passage même que nous venons de traduire. Nous allons voir comment ces idées ont été expliquées, coordonnées et amplifiées dans ces différents ouvrages.

Les âmes, au moment de la mort et relativement aux conditions auxquelles elles se trouvent désormais soumises, se divisent en trois catégories.

La première se compose des âtmavidah ou de celles qui connaissent l’âme suprême. Ce sont elles qui prennent le devayâna pour se réunir à Brahma ; elles ne reviennent plus sur terre[6] : elles sont délivrées. Aussi n’avons-nous pas à nous en occuper ici : c’est seulement au chapitre suivant que nous verrons comment elles atteignent ce but suprême des efforts de l’homme ici-bas.

La seconde catégorie comprend les karminah ou celles qui ont célébré sur terre les sacrifices prescrits par les livres sacrés. Le passage de la Chândogya-Upanishad qui vient d’être cité les con-

  1. Durant l’existence qui a précédé les pérégrinations qui viennent d’être décrites, et abstraction faite des œuvres spéciales qui les ont déterminées (d’après la glose d’Ananda-Giri).
  2. Un individu appartenant à la caste des princes ou des guerriers.
  3. Un individu appartenant à la caste des marchands.
  4. Un individu de la quatrième caste ou de ceux qui sont voués aux travaux abjects et avilissants.
  5. D’après Çankara, la naissance et la mort de ces êtres se succèdent si rapidement, qu’ils n’ont ni le temps d’accomplir des œuvres louables ni celui d’en jouir. C’est pour cela sans doute qu’ils transmigrent indéfiniment sous les mêmes formes animales. (Jananamaranakshananaiva kâlayâpanam bhavati na tu kriyâsu çobhaneshu bhageshu va kûlo’sti).
  6. Teshâm na punar avrttih.