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REGNAUD. — ÉTUDES DE PHILOSOPHIE INDIENNE 543

à celui qu'il veut élever de ces mondes (pour le faire passer en des mondes supérieurs, c'est-à-dire meilleurs); il fait accomplir des œuvres mauvaises à celui qu'il veut précipiter (dans des mondes inférieurs, ou pires) '. »

Dans d'autres passages, les Upanishads entrent dans les détails et indiquent de point en point les péripéties que subissent les âmes individuelles dans les conditions que les œuvres leur ont faites, quand la mort les a séparées du corps. Voici celui qui fait surtout autorité pour les védântins des époques postérieures ; il est tiré de la Chândogya-Upanishad (V, 10, 3-9) 2 .

« Ceux qui résidant dans le village font consister leur culte dans les sacrifices, les œuvres pieuses et la libéralité 3 , deviennent fumée; de la fumée ils passent dans (s'unissent, s'identifient à) la nuit 4 ; de la nuit ils passent dans la quinzaine lunaire obscure; de la quinzaine lunaire obscure ils passent dans les six mois durant lesquels le soleil se dirige vers le sud. Mais ils n'atteignent pas l'année.

« De ces mois ils passent dans le monde des ancêtres 5 ; du monde des ancêtres ils passent dans l'éther ; de l'éther ils passent dans la lune, qui est le roi Soma. Ils y deviennent la nourriture des dieux; les dieux la mangent.

« Y étant demeurés jusqu'à l'épuisement des effets de l'œuvre, ils reprennent le même chemin par lequel ils sont venus et passent dans l'éther ; de l'éther ils passent dans l'air ; étant air, ils deviennent fumée ; étant fumée, ils deviennent nuage.

« Étant nuage, ils deviennent nuage (qui se condense) ; étant nuage qui se condense, ils se dissolvent en pluie. Ils renaissent ici-bas sous la forme de riz, de blé, de plantes, d'arbres, de sésame, de lentilles. Il est difficile de sortir de là. Ils reprennent la forme de tout être qui en fait sa nourriture et qui émet de la semence.

��i. Hy eva sâdhu karma kârayati tam yam ebhyo lokebhya unninishata esha u evâsâdhu karma kârayati tam yam adho ninîshate. 2 Cf. Brihad-Aranyaka-Upanishad, VI, 2, 16.

3. Par opposition aux brahmanes qui sont arrivés à la dernière période de la vie religieuse et qui se livrent dans la forêt à l'existence ascétique. Cf. à ce propos le Manava-Dharma-Çâstra ou les Lois de Manu.

4. D'après le commentateur, il faut entendre par la fumée, la nuit, etc., la divinité qui personnifie (qui préside à) la fumée [dhûmâbhimâninîm devatàm), la nuit, etc. Au sens propre et primitif, cette fumée est vraisemblablement celle du bûcher sur lequel on brûlait les morts. Cf. Brihad-Aranyaka-Upanishad, VI, 2, 14.

j. C'est pour cela que le tracé de cet itinéraire des âmes soumises à la trans-

migration est appelé le chemin des ancêtres, pitryÛna. Il en est un autre, le devayâna, ou la route des dieux ; cette route est suivie par les âmes oui ont mérité d'obtenir le monde de Brahma, d'où elles ne retombent plus dans le circidus de la transmigration. Cf. Bvh.-Ar.Upanish., VI, 2, 15.

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