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ses organes intellectuels désignés sous le terme générique de prânas)[1]. »

Et le commentateur ajoute en guise d’explication : « Il reste en ce monde sous la forme de son fils, et il ne doit pas être considéré comme mort ; voilà ce que cela veut dire[2]. »

Il est évident toutefois que cette cérémonie était purement symbolique ; elle consacrait l’idée de la perpétuité traditionnelle et héréditaire des croyances et des obligations religieuses, mais non pas, comme on pourrait le croire, celle de l’identité intellectuelle du père et du fils. Le fils reste sur terre pour continuer le père, et c’est à ce point de vue que l’Upanishad peut dire qu’on conquiert ce monde au moyen d’un fils ; cependant l’un et l’autre conservent leur individualité distincte. C’est, du reste, sur cette réserve implicite qu’est fondé le précepte suivant : « Le monde des ancêtres doit être conquis par l’œuvre (ou par le sacrifice), » qui résume sous une forme très-concise la théorie de la transmigration.

Dans un autre passage de la Brihad-Aranyaka-Upanishad (IV, 4, 5 et 6), la théorie des œuvres et de leurs effets, au point de vue de la condition future des âmes individuelles, est exposée comme suit :

« Il en est qui disent que l’homme est fait de désir (c’est-à-dire qu’il a le désir pour principal mobile et, par conséquent, pour cause de son sort futur) ; tel est son désir, telle est sa détermination ; telle est sa détermination, telle est son œuvre ; telle est son œuvre, tel en est le fruit (tel en est l’effet au point de vue de la transmigration) ». Il y a à ce propos un vers que voici : « Celui qui a de l’attachement pour quelque chose obtient, au moyen de l’œuvre, ce à quoi son manas, qui est la cause (de l’attachement), est attaché. Ayant obtenu tout le fruit (mot à mot, le bout) de l’œuvre quelconque qu’il avait accomplie ici-bas, celui qui a des désirs revient de ce monde à ce monde[3] par l’effet de l’œuvre[4]. »

Une autre Upanishad ancienne, la Kaushîtaki, énonce en ces termes la même théorie :

« L’âme consciente (prajñâtman) fait accomplir de bonnes œuvres

  1. Yadâ praishyan manyate ’tha putram âha tvam brahma tvam yajñas tvam loka iti sa putrah pratyâhâham brahmâham yajño ’ham loka iti… sa yadaivamvid asmâl lokât praity athaibhir eva prânaih saha putram âviçati.
  2. So’ sminn eva loke vartate putrarûpena naiva mrto mantavya ity arthah.
  3. C’est-à-dire qu’après l’avoir quitté pour d’autres mondes où l’appelaient les conséquences de ses œuvres, il y revient par l’effet des mêmes causes.
  4. Atho khalv âhuh kâmamaya evâyam purusha iti sa yathâkâmo bhavati tatkratur bhavati yatkratur bhavati tatkarma kurute yatkarma kurute tad abhisampate. Tad esha çloko bhavati tad eva saktah saha karmanaiti lingam mano yatra nishaktam asya prapyântam karmanas tasya yat kim ceha karoty ayam tasmâl lokât punar ety asmai lokâya karmana iti nu kâmayamânah.