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herbert spencer. — études de sociologie.

dans Huc « que le chasseur mongol nous salua en appliquant ses mains contre le front », ou dans Drury : « Quand les Malagasys approchent un homme puissant, ils lèvent les mains dans l’attitude de suppliants », nous sommes obligés de reconnaître que cette position des mains exprime maintenant la vénération, parce qu’autrefois elle impliquait la sujétion. À propos des Siamois, dont la condition politique est si abjecte et les usages si serviles, La Loubère dit : « Si vous étendez la main vers un Siamois afin de la poser dans la sienne, il avance ses deux mains vers la vôtre, comme pour se mettre entièrement en votre pouvoir. » Ces exemples nous rappellent qu’un acte analogue était autrefois une forme de soumission en Europe. Quand il prêtait hommage, le vassal, étant à genoux, plaçait ses mains jointes entre les mains de son suzerain.

Il est à peine besoin d’indiquer que dans ce cas encore une attitude signifiant subordination politique devient une attitude de dévotion religieuse. Le Musulman, pendant ses prières, joint les mains au-dessus de la tête et prend l’attitude qui exprime, comme nous l’avons vu, la vénération pour un chef vivant. Chez les Grecs, « on adressait les prières aux dieux de l’Olympe en se tenant droit et en levant les mains, aux dieux de la mer en tenant les mains horizontalement, aux dieux du Tartare en inclinant les mains. » L’application des paumes l’une contre l’autre, exigée autrefois dans toute l’Europe de la part de l’inférieur qui jurait obéissance à un supérieur, est enseignée encore aujourd’hui aux enfants comme l’attitude de la prière.

Nous ne devons pas omettre de noter que les mains servent au même usage dans les relations sociales. La filiation continue d’être claire dans les pays reculés de l’Orient. « Quand les Siamois se saluent l’un l’autre, ils joignent les mains et les élèvent devant la figure ou au-dessus de la tête. » Des huit degrés de la salutation en Chine, le premier et le moins profond consiste à joindre les mains et à les mettre devant la poitrine. Même chez nous, on remarque les traces de ce salut. On peut voir un marchand obséquieux ou un hôtelier empressé mettre ses mains l’une sur l’autre et les lever de manière que cette attitude nous rappelle un signe primitif de soumission.

Le vaincu, prosterné devant son vainqueur et devenant lui-même un objet possédé, perd simultanément la possession de tout ce qu’il a sur lui. La perte peu importante de ce qu’il possède est comprise dans la perte plus grande de sa propre personne. Ainsi, en rendant les armes, il abandonne également la portion de ses vêtements que le vainqueur peut désirer. Dans beaucoup de cas, le motif pour