Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, V.djvu/530

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
520
revue philosophique

momie renfermée dans son enveloppe. Plus tard, les Romains baisaient également les pieds des statues de leurs dieux, et les chrétiens baisaient les pieds de leurs images saintes. L’ancien Mexique nous a fourni un exemple de la transition entre le baisement du sol comme hommage politique et un baisement modifié du sol comme hommage religieux. En décrivant la prestation du serment chez les Mexicains, Clavigero dit : « Invoquant ensuite le dieu suprême ou tout autre dieu qu’ils vénéraient particulièrement, ils baisaient leur main après qu’elle eut touché la terre. » Au Pérou, l’observance était encore abrégée, parce qu’on ne baisait aucun objet. D’Acosta dit : « L’adoration consistait à ouvrir les mains, à faire entendre avec les lèvres le bruit d’un baiser, à demander ce que l’on désirait et à offrir en même temps le sacrifice ; » et Garcilasso, décrivant la libation d’une goutte de liqueur au soleil avant qu’on boive à un repas ordinaire, ajoute : « En même temps, ils baisaient l’air deux ou trois fois ; ce qui était un signe d’adoration parmi ces Indiens. » Les races européennes nous offrent des faits semblables ; baiser la main à la statue d’un dieu était chez les Romains une forme d’adoration.

Je le répète, les sauts et les gambades, étant des expressions naturelles de joie, deviennent des hommages à un chef visible et se transforment en actes d’adoration à l’égard d’un chef invisible. Comme exemple, nous citerons la danse de David devant l’arche ; nous ajouterons qu’à l’origine la danse était une cérémonie religieuse chez les Grecs, et que dès les temps les plus reculés « une danse religieuse appelée hyporchema se rattachait au culte d’Apollon. » L’histoire nous dit que le roi Pépin, « semblable au roi David, oublia sa pourpre royale, arrosa dans sa joie ses vêtements précieux de larmes et dansa devant les reliques du bienheureux martyr. » Enfin nous savons qu’au moyen âge il y avait des danses religieuses dans les églises.

Pour expliquer une autre série d’observances liées entre elles, il faut remonter à la prosternation sous sa forme originelle. Je veux parler de ces témoignages de soumission qui consistent à se mettre de la poussière ou des cendres sur quelque partie du corps.

On ne peut pas se rouler dans le sable devant un roi ou frapper plusieurs fois la tête contre le sol, ou ramper devant un chef, sans se salir. La poussière ou la terre attachées à notre corps ou à nos vêtements sont donc regardées comme une marque concomitante de sujétion ; le désir de plaire fera donc qu’on s’en couvrira bénévolement et qu’on en augmentera la quantité. Nous avons déjà montré incidemment l’enchaînement entre cet acte et celui de la prosternation par des exemples tirés de l’Afrique ; cette même partie