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herbert spencer. — études de sociologie.

tion servile. Elle existait dans l’ancienne Amérique, où, en se présentant devant le cacique, « les Chibchas devaient se prosterner et toucher la terre avec leur visage ». Nous la trouvons en Afrique, où a un Borghou, quand il parle au roi, s’étend par terre aussi droit qu’un carrelet et reste dans cette position, léchant la poussière, jusqu’à ce que son affaire avec le souverain soit réglée. » L’Asie nous en fournit beaucoup d’exemples : « Quand il expose une plainte, le Khond se jette la face contre terre, joint les mains et tient à la bouche quelques brins de paille ou une touffe d’herbe, » et au Siam « tous les subordonnés se prosternent respectueusement devant les nobles, tandis que les nobles eux-mêmes font la même salutation rampante devant leur souverain. » Il en est de même en Polynésie. Se précipiter la face contre terre est une marque de soumission parmi les habitants des îles Sandwich : le roi se prosterna devant Cook, quand il le vit pour la première fois. Dans les annales des anciens peuples historiques, nous rencontrons un grand nombre de faits semblables. Par exemple, Méphiboseth se jeta la face contre terre et rendit hommage à David, et le roi de Bithynie se prosterna devant le sénat romain. Dans quelques cas, cette attitude du vaincu devant le vainqueur, dont le but est de marquer une entière soumission, acquiert une signification plus forte par la répétition. Bootan fournit un exemple : « Ils se prosternèrent neuf fois devant le Rajah, ce qui est l’hommage que lui rendent ses sujets toutes les fois qu’ils ont la permission de l’approcher. »

Le caractère primitif de toute cérémonie est sujet à devenir méconnaissable, quand elle est abrégée ; par abréviation, cette salutation, la plus profonde de toutes, devient moins profonde. En se prosternant complètement, on passe presque nécessairement par une attitude où le corps est appuyé sur les genoux et où la tête touche la terre ; en outre, quand on se relève, cette même attitude revient avant que nous soyons de nouveau sur pied. Aussi peut-elle être considérée comme une prosternation incomplète.

Souvent, l’humilité de cette salutation est augmentée par la répétition du contact de la tête avec le sol. Sur le Niger inférieur, « comme signe d’un grand respect, les hommes se prosternent et frappent la tête contre le sol. » Autrefois, quand l’empereur de Russie était couronné, la noblesse rendait hommage « en baissant la tête jusqu’à ce qu’elle touchât la terre ». Actuellement, en Chine, parmi les huit salutations, plus humbles les unes que les autres, la cinquième consiste à s’agenouiller et à frapper la tête contre la terre ; la sixième, à s’agenouiller et à frapper trois fois la tête contre la terre ; en doublant ce nombre, on fait la septième salutation, et, en le triplant, la